La vie de Saint Samson, telle que relatée par Albert Le Grand, nous plonge dans l’univers mystique et légendaire d’un saint breton au destin hors du commun. Né en Armorique, au VIe siècle, Samson est entré dans l’histoire comme un archevêque éminent et un fervent défenseur de la foi chrétienne. Sa vie, marquée par de nombreux miracles et exploits, a laissé une empreinte profonde dans la mémoire collective de la Bretagne.
Dès son plus jeune âge, Samson a montré des signes de piété exceptionnelle et d’intelligence précoce. Ses talents remarquables lui ont ouvert les portes des plus prestigieuses institutions religieuses de l’époque, où il a reçu une éducation spirituelle et théologique d’une rare profondeur. Cependant, c’est en tant que moine et abbé d’un monastère que son charisme et son dévouement se sont pleinement révélés. La sagesse et la bonté de son âme lui ont valu rapidement une réputation de sainteté, attirant ainsi de nombreux fidèles désireux de recevoir ses enseignements et bénéficier de ses prières.
Mais ce fut lorsqu’il fut élevé à la dignité d’archevêque de Dol, en Armorique, que la vie de Samson prit une tournure exceptionnelle. Il se révéla être un pasteur dévoué et déterminé à réformer les mœurs du clergé et du peuple, à rebâtir les églises détruites par les guerres. Sa piété ardente et sa force de caractère lui permirent de surmonter de nombreux défis et obstacles, faisant de lui une figure vénérée aussi dans tout le royaume franc et au-delà des frontières.
Les récits d’Albert Le Grand nous dépeignent Samson comme un homme de compassion et de puissance spirituelle, capable de guérir les malades, de chasser les démons et de prodiguer des bénédictions divines. Ses multiples interactions avec des puissants de son époque, dont le roi Childebert, témoignent de l’importance qu’il a jouée dans les affaires religieuses et politiques de son temps.
En parcourant les pages de la vie de Saint Samson selon Albert Le Grand, nous découvrons un personnage exceptionnel dont l’héritage spirituel continue de briller à travers les siècles. Son impact sur la région de Bretagne et au-delà reste tangible, et sa mémoire est célébrée par des milliers de fidèles à travers le monde. Nous plongerons ainsi dans l’épopée captivante de ce saint breton et dans l’univers mystique d’une époque riche en miracles et en foi.
La vie de Saint Samson
Selon l'hagiographe Albert Le Grand dans "La vie des saints de la Bretagne-Armorique". Traduit en français contemporain par Arnaud Chapin
Le Pape Saint Hilaire siégeant sur le Trône Apostolique, et Léon I tenant les rênes de l’Empire, la Bretagne Armorique prospère sous le règne du Roi Hoël, surnommé “le Grand”. Ammonius, un homme riche et noble, avait été marié à sa femme Anne pendant trente-sept ans, mais ils n’avaient pas d’enfants malgré leur désir d’avoir une descendance pour hériter de leurs vastes biens. Finalement, ils décidèrent de mener une vie solitaire et de consacrer le reste de leur vie au service de Dieu, en distribuant leurs biens aux pauvres, aux monastères et aux hospices. Ils entendirent parler d’un saint personnage réputé pour son esprit de prophétie et ses conseils très utiles à ceux qui le consultaient. Ammonius et sa femme allèrent le voir dans son monastère, qui était dans le diocèse de Léon. Après lui avoir fait une généreuse offrande pour aider les religieux dans leurs besoins, ils discutèrent longuement avec lui et lui racontèrent combien de temps ils étaient ensemble sans avoir d’enfants. Le saint homme les réconforta et leur conseilla de faire fabriquer une verge ou bâton en argent, de la hauteur d’Anne, puis de le vendre et de donner l’argent aux pauvres pour l’amour de Dieu. Il leur promit de prier pour eux. Après trois jours passés dans le monastère, il les congédia.
La fécondité miraculeuse des parents de Saint Samson
La nuit suivante, après la fatigue du voyage, Anne s’endormit profondément et dans son sommeil, un ange lui apparut et lui révéla qu’elle concevrait et donnerait naissance à un fils, qui serait nommé Samson et deviendrait un grand serviteur de Dieu. À son réveil, elle raconta à son mari ce qui lui était arrivé, mais il ne savait pas trop quoi en penser. Le matin suivant, alors qu’ils se préparaient à continuer leur chemin, le saint personnage dont nous avons parlé vint les trouver et confirma la vérité de cette révélation. Il salua chaleureusement Anne en lui disant : “Ô femme, heureux est ton ventre, et plus heureux sera le fruit qui en sortira, car sache que cette nuit, Dieu m’a daigné révéler que, malgré ta longue stérilité et ton grand âge, toi et ton mari, déjà penchés vers la vieillesse, aurez plusieurs enfants. Le premier d’entre eux sera consacré à Dieu et sera nommé Samson. Quand il sera en âge d’apprendre, vous l’enverrez à l’école car il est destiné à devenir évêque et à prêcher dans plusieurs nations.”
Cette prédiction les remplit de joie, et ils rendirent grâce à Dieu et au saint homme. Une fois de retour chez eux, ils firent fabriquer trois verges d’argent, comme ils en avaient été conseillés, et ils distribuèrent le prix aux pauvres.
Neuf mois plus tard, Anne conçut et donna heureusement naissance à un fils, dans leur maison située aux confins du diocèse de Vannes, près de la Cornouaille, en l’an 495 de grâce. Cette naissance fut accueillie avec une grande joie par ses parents, ses amis et elle étonna tous ceux qui connaissaient la stérilité et le grand âge du couple. Ils nommèrent le fils Samson, comme ils en avaient été commandés, et ils le choyèrent et l’élevèrent avec soin dans leur maison jusqu’à l’âge de cinq ans.
À cet âge, Samson demanda à son père de l’envoyer à l’école. Son père, désireux de le divertir et de l’occuper avec les affaires du monde, hésitait à le faire. Cependant, sa mère se souvenait des paroles de l’ange et du saint religieux qui, grâce à ses prières, avait obtenu la bénédiction de Dieu pour Samson. Elle voulait que son fils puisse choisir librement le chemin de vie qu’il voulait suivre, car il était guidé par le Ciel.
La vocation de Saint Samson est protégée par le Ciel.
Des désaccords eurent lieu entre le père et la mère concernant l’éducation de Samson, mais Dieu mit fin à leur différend. Un jour, alors qu’Ammonius dormait dans son cabinet, il fit un rêve où un ange le réprimanda sévèrement pour s’opposer au destin de son fils. L’ange lui ordonna de passer la mer et d’emmener Samson en Grande-Bretagne auprès du saint abbé Hydultus, un homme saint et versé dans toutes les sciences divines et humaines. L’ange le menaça de le punir sévèrement s’il manquait à cette mission.
Réveillé, Ammonius fut profondément effrayé par les menaces de l’ange. Il raconta son rêve à sa femme et dès le jour même, il entreprit les préparatifs de leur voyage. Il emmena Samson avec lui et traversa la Cornouaille et le pays de Tréguier. Ils s’embarquèrent sur le rivage de la paroisse de Plougasnou et grâce à un bon vent, ils atteignirent l’île de Cornouaille insulaire, où se trouvait le monastère de l’abbé Hydultus. L’abbé accueillit Ammonius et posa sa main sur la tête de l’enfant, rempli de l’Esprit de Dieu. Il commença alors à prophétiser sur Samson, disant : “Je vous rends grâce, ô mon Dieu, qui avez daigné nous confier cet enfant destiné à illuminer cette île de la lumière de sa sainteté et de sa doctrine, et à gagner tant d’âmes à votre service, tant ici que de l’autre côté de la mer. Vous êtes heureux, mes amis, d’avoir donné naissance à cet enfant saint, qui sera l’ornement de votre famille et la gloire de son pays.”
Les parents, après avoir entendu ces merveilles, laissèrent Samson entre les mains de l’abbé Hydultus, qui serait désormais son guide spirituel pour sa destinée exceptionnelle. Samson entama alors une vie de dévotion et d’apprentissage auprès de l’abbé, se préparant à accomplir la mission qui lui avait été prophétisée. Ainsi commença la vie extraordinaire du saint Samson, l’un des saints fondateurs de la Bretagne, dont le destin était lié à la volonté divine et à la guidance céleste.
Des amitiés avec d'autres saints bretons
Samson eut pour condisciples en cette école Paul Aurélien qui, par la suite, fut évêque de Guic-kastel et de Léon, ainsi que Gildas, futur abbé de Rhuys. Avec eux, il développa une sainte amitié qui dura toute sa vie. Doté d’une mémoire exceptionnelle, il apprit tout l’alphabet en un jour, et en un mois, il maîtrisa les rudiments de la langue latine. En dix ans passés dans son monastère, il acquit une telle érudition qu’il égalait les plus savants de son temps. Son dévouement à l’étude n’entama en rien son assiduité à la prière. En effet, il apprenait davantage aux pieds d’un crucifix que parmi la lecture des philosophes.
Un jour, lui et son maître se trouvèrent face à une certaine difficulté lors d’une longue dispute, et ils ne parvinrent pas à trouver la véritable résolution, même après avoir consulté des livres. Finalement, Samson se tourna vers sa source habituelle de réconfort : la prière. Outre son travail habituel d’études, il se mortifia par des jeûnes, des veilles et d’autres austérités, suppliant notre Seigneur de lui révéler la solution à cette difficulté. Ses supplications furent exaucées, et la troisième nuit de son jeûne, alors qu’il était en prière dans sa chambre, une grande lumière remplit l’espace et, en même temps, une voix résonna à ses oreilles, lui disant : “Ne t’afflige pas davantage, serviteur de Dieu, car tout ce que tu demanderas à Dieu, tu l’obtiendras. Quant à l’éclaircissement du doute que tu as, Dieu t’en octroie la résolution.”
Samson se leva immédiatement, rendant grâce à Dieu, et alla trouver son maître pour lui expliquer la réponse à la difficulté de leur question. Dès qu’il fut entré dans le monastère de saint Hydultus, il décida de vivre comme les religieux, et au fur et à mesure qu’il grandissait, il renforçait son abstinence et ses austérités. L’abbé le réprimandait souvent, lui faisant remarquer qu’il en faisait trop pour son âge et lui suggérant de modérer ses austérités afin de se concentrer davantage sur ses études. Cependant, Samson supplia son maître de lui permettre d’adopter le mode de vie des religieux, car il n’avait pas l’honneur de porter leur habit.
Une vie de prière persévérante
Un jour, saint Hydultus accorda la permission à ses écoliers de sortir pour cercler un champ et arracher les mauvaises herbes qui poussaient parmi le blé. Une couleuvre, sortie d’un buisson à proximité, se glissa sous la robe d’un de ces enfants et le mordit à la jambe. La jambe enfla considérablement, et le venin se répandit rapidement dans tout son corps, le laissant presque mourant. Voyant cela, saint Samson s’agenouilla et pria avec des larmes pour son camarade de classe, persévérant dans la prière pendant trois heures. Ensuite, il appliqua de l’huile sacrée et de l’eau bénite sur la morsure, faisant goutter le venin goutte à goutte, et le patient fut complètement guéri.
Une fois ses études terminées, son père voulut le faire revenir à la maison, mais il obtint la permission de rester encore quelque temps avec son bon maître, lui déclarant qu’il voulait devenir religieux, ce à quoi ses parents n’osèrent pas s’opposer, se souvenant des paroles annoncées par l’Ange concernant leur fils. Sur le commandement de son maître, il se rendit à Eborac, maintenant appelé York, pour rencontrer saint Dubrice, l’archevêque de cet endroit, qui lui conféra les quatre ordres mineurs et le sous-diaconat. Lorsqu’il fut ordonné diacre, un pigeon blanc et brillant, d’une beauté exceptionnelle, descendit visiblement sur lui et se posa sur sa tête pendant son ordination, ce qui stupéfia tous les assistants.
C’est alors qu’il dit adieu au monde et se jeta aux pieds de son maître, saint Hydulte, pour lui demander l’habit de son ordre, ce qu’il obtint. Il fut revêtu, au grand contentement de tous les religieux, et au bout de l’année, il fit sa profession religieuse, puis reçut l’ordination sacerdotale des mains de saint Dubrice, le Saint-Esprit apparaissant de nouveau visiblement sur lui sous la forme d’une colombe d’une grande beauté. C’est à ce moment qu’il redoubla de ferveur et devint inimitable aux yeux de tous les autres moines, qui le considéraient comme un véritable miroir de sainteté et de vertu.
Saint Samson surpassait tous les autres moines en humilité, modestie, patience, charité et autres vertus. Sa vie était une prière continuelle, qu’il persévérait pendant des nuits entières. On ne le trouvait jamais oisif, mais toujours occupé à quelque chose. Que dire de son abstinence ? Je craindrais d’en dire autant que j’en ai lu, de peur de ne pas être cru, si je n’avais pas des auteurs très sérieux et irréprochables comme témoins. Jamais il ne dormait dans un lit ; lorsque le sommeil le pressait, il appuyait simplement sa tête contre un mur pour se reposer brièvement, puis se réveillait immédiatement pour se remettre à l’étude ou à la prière. Depuis qu’il était moine, il ne mangeait jamais de viande, de poisson, ni de quoi que ce soit qui avait une vie sensible. Il jeûnait parfois deux jours d’affilée, parfois trois, et parfois il passait des semaines sans rien manger du tout. Pendant le Carême, il ne prenait que deux ou trois repas en tout, simplement pour donner un peu de force à son corps faible et amaigri, et non par plaisir de manger.
La recherche intense des vertus
Saint Samson gardait inviolablement le précieux trésor de la chasteté, tant pour son corps que pour son esprit. Il était si réservé qu’il ne voulait voir ni parler à aucune femme en dehors de la présence de ses aînés, et cela même très rarement. L’éclat de ses vertus aveuglait les regards lubriques de certains moines de son monastère, à tel point qu’ils complotèrent même pour attenter à sa vie. Deux misérables furent tellement déterminés à le tuer qu’ils essayèrent de l’empoisonner. L’un d’eux, qui était prêtre, fournit un poison si violent qu’en en faisant l’essai sur un chien, celui-ci mourut instantanément dès qu’il en avait consommé. L’autre était un frère laïc, chargé des provisions du couvent, qui mélangea le poison dans la portion de saint Samson, mais Dieu révéla ce qui se passait. Lorsque saint Samson fit le signe de la Croix sur son pichet de terre, il éclata, et le poison apparut aux yeux de tous les assistants. Le malheureux moine, ayant vu ce miracle, reconnut sa faute, se jeta aux pieds de saint Samson, lui demanda pardon, et accepta humblement la pénitence que l’abbé lui imposa. Mais son complice, irrité d’avoir échoué, demeura obstiné dans sa malice. Il continua à s’enfoncer dans le péché et, comme un abîme attire un autre abîme, celui qui tourne le dos à Dieu sombre de mal en pis. Il accumula crime sur crime et fut si effronté qu’il se présenta à l’autel le dimanche suivant pour célébrer la messe. Cependant, sa témérité ne resta pas impunie, car le Diable entra dans son corps, qui était déjà possédé par son âme, et le tourmenta si horriblement qu’il se déchira avec ses propres dents. Saint Samson, prenant pitié de lui et oubliant le mauvais tour qu’il avait voulu lui jouer, pria pour lui. En l’oignant d’huile sainte et en l’arrosant d’eau bénite, il le délivra de son tourment.
Quelque temps après, désireux de vivre en solitude et se voyant trop connu et fréquenté à cet endroit, il demanda la permission à son abbé, saint Hydulte, de se retirer au monastère du saint abbé Pyron, qui gouvernait un grand nombre de moines sur une île en pleine mer. Hydulte lui accorda cette demande, car il avait été averti par un ange de ne pas refuser quoi que ce soit que Saint Samson pourrait lui demander. Ainsi, il partit avec la bénédiction de son abbé, regretté de tous les religieux, et fut chaleureusement accueilli par l’abbé Pyron et toute sa congrégation.
Sa famille se consacre entièrement au Seigneur.
Saint Samson n’avait guère été longtemps dans ce monastère lorsqu’un messager vint le trouver avec des nouvelles que son père, qui était malade, à l’agonie, désirait le voir une dernière fois avant de mourir et qu’il ne voulait pas se préparer à passer de l’autre côté sans qu’il soit présent. L’abbé lui permit de le voir et lui donna un religieux diacre comme compagnon, avec lequel il traversa la mer et arriva en Bretagne Armorique, chez son père. Il le consola et le guérit, tant sur le plan physique que spirituel. En effet, le bon homme se confessa d’un gros péché qu’il avait caché depuis longtemps dans ses confessions précédentes. De plus, il s’enflamma d’un amour ardent pour Dieu au point que, d’un commun accord, il se sépara de sa femme et devint religieux, entraînant avec lui cinq de ses fils, frères de saint Samson. Sa mère entra également dans un monastère de vierges, où elle persévéra jusqu’à la fin de ses jours au service de Dieu. Il restait encore une petite fille, sur laquelle il apprit par révélation qu’elle devait se laisser aller à ses plaisirs et finalement se perdre. Toutefois, il la recommanda à ses parents comme étant une créature de Dieu.
Pendant ce voyage, alors qu’ils traversaient une vaste forêt pour se rendre chez Ammonius, un monstre ayant l’apparence d’une femme s’approcha d’eux et marcha quelque temps à leurs côtés. Puis, quand ils s’y attendaient le moins, il attaqua le diacre et le blessa grièvement. Saint Samson, n’ayant d’autres armes que le signe de la Croix, donna la chasse au monstre, guérit son compagnon et, par ses prières, lui redonna le courage de poursuivre le voyage. Lorsqu’ils repassèrent par la même forêt lors de leur retour, ils rencontrèrent un horrible dragon qui, en roulant les yeux dans sa tête, s’approcha d’eux, gueule béante, prêt à les dévorer. Saint Samson ne s’en effraya pas, mais fit simplement un cercle dans la poussière avec le bout de son bâton et ordonna au dragon de s’y rassembler, ce qu’il fit. Puis, en faisant le signe de la Croix sur lui, le dragon éclata.
Saint Samson accomplit des miracles et des exorcismes.
Après être retourné au monastère, l’abbé Pyron tomba malade et peu de jours après, il rendit l’âme. Les religieux élurent alors saint Samson pour le remplacer, malgré sa résistance et son désir de se retirer en solitude. Finalement, il accepta la bénédiction abbatiale et dirigea sagement l’abbaye pendant un an et demi avant de décider de s’en retirer volontairement pour vivre en solitude.
Un jour, une grande foule de pauvres vint demander l’aumône à la porte du monastère. Saint Samson distribua tout ce qu’il avait de vivres, mais voyant qu’il en restait encore plusieurs qui n’avaient rien reçu, il leur donna tout le miel qu’il y avait dans le monastère. Quelques jours après, le procureur visita les tonneaux d’où le miel avait été pris et les trouva tous pleins d’excellent miel. Les religieux attribuèrent cette multiplication miraculeuse aux mérites de leur abbé et rendirent grâce à Dieu.
Saint Samson chassa le diable du corps d’un abbé et, après avoir visité son pays natal, il se retira de son abbaye pour se construire une petite cellule et un oratoire près d’un vieil château en ruine, dans un désert. Il obtint, par ses prières, une belle fontaine car il n’y avait pas d’eau potable à proximité. Il passa plusieurs années en solitude, ne sortant que les dimanches et les fêtes pour se rendre au monastère célébrer la messe et assister aux services divins.
Quittant sa solitude, il alla prêcher à des idolâtres qu’il convertit, fondant un monastère dans leur pays où il resta quelque temps, accomplissant de nombreux miracles pour renforcer la foi de ces nouveaux convertis. Il extermina un dragon qui ravageait le pays en lui ordonnant, par la vertu de Jésus-Christ, de se jeter dans la mer, ce qu’il fit. Lorsque le pain manqua dans son monastère, il obtint miraculeusement du pain par ses prières, de même qu’une fontaine d’eau douce.
Un voleur déroba une croix en argent doré que le saint abbé avait bénie, mais il paya bientôt sa faute car en traversant un bras d’eau solidement glacé, la glace se brisa sous ses pieds et il se noya. La croix fut retrouvée sur la glace et ramenée à l’église.
Élu par Dieu comme évèque d'York
Saint Dubrice, l’archevêque d’Eborac (York), avait un neveu du nom de Morinus qu’il avait fait étudier en vue de faire de lui un homme vertueux et un bon ecclésiastique. Morinus, curieux, se mit à lire des livres de magie et développa un goût prononcé pour cette pratique, tout en la gardant secrète par peur de perdre les bénéfices qu’il espérait recevoir de son oncle.
Cependant, ses activités magiques ne passèrent pas inaperçues aux yeux de saint Samson. Un jour, alors qu’ils étaient tous deux dans l’église, saint Samson vit le diable assis sur l’épaule de Morinus et lui chuchoter à l’oreille. Grâce à une révélation, il comprit ce qui se passait. Il alla trouver Morinus et le sermonna sévèrement, l’incitant à abandonner la magie, à brûler tous ses livres et à se repentir de ses actions.
Une nuit, après les matines, alors que les religieux étaient retournés dans leurs chambres, saint Samson resta dans le chœur en prière. Soudain, une lumière intense illumina l’église, et il vit trois vénérables évêques vêtus de riches chapes couvertes de pierreries, de mitres en or ornées de perles et de crosses en cristal à la main. Ils se dirigèrent vers l’autel, après s’être inclinés profondément. Ils se présentèrent à saint Samson comme étant les apôtres Pierre, Jean et Jacques, et lui annoncèrent qu’ils étaient venus le consacrer évêque, le destinant à gouverner les peuples soumis à sa juridiction. Après cela, la vision disparut.
Peu de temps après cette vision, saint Dubrice tomba malade et sentit que sa fin approchait. Préoccupé par le bien de son église, il demanda à ses chanoines d’élire saint Samson comme son successeur, car il le considérait comme le plus apte à cette charge et avait reçu une révélation de Dieu à cet effet. Les chanoines, suivant sa recommandation, élurent à l’unanimité saint Samson comme leur nouvel archevêque, malgré sa résistance initiale. Ils le retirèrent de son monastère et le sacrèrent, ce qui fut accueilli avec joie par le peuple qui vit manifestement le Saint-Esprit descendre sur lui sous la forme d’une belle colombe pendant la cérémonie, comme cela lui était déjà arrivé lors de son ordination comme diacre et prêtre.
Il était fréquent pour lui, même avant d’être évêque, de voir des milliers d’anges assister à la messe lorsqu’il la célébrait. Après son sacre, lorsqu’il célébra pontificalement, les évêques, prêtres et moines présents à la messe virent des flammes de feu sortir de sa bouche, de ses oreilles et de ses narines, et sa tête entourée de rayons comme un soleil, avec les anges le servant à l’autel.
Saint Samson combat la peste avec abnégation et charité.
Après avoir gouverné son troupeau en tant que pasteur vigilant et attentionné pendant plusieurs années, la région où il exerçait son ministère fut frappée par une terrible épidémie de peste, qui emporta la vie de milliers de personnes et dévasta une grande partie de son archidiocèse. Ses chanoines et religieux lui supplièrent de quitter la région pour se mettre à l’abri du danger évident, mais saint Samson refusa de les abandonner. Au contraire, il resta avec son peuple, offrant un soutien paternel et charitable aux malades, les visitant et les réconfortant, leur administrant les sacrements et priant inlassablement pour leur salut, même pendant tout le Carême.
Le jour de Pâques, alors qu’il célébrait la messe pontificalement, un ange lui apparut et lui enjoignit de ne pas hésiter à satisfaire les pressantes requêtes de ses frères. L’ange lui demanda de monter en mer avec eux pour se rendre en Bretagne Armorique, car Dieu avait prévu de se servir de lui pour le bien des habitants de cette région.
Après avoir reçu cette mission divine, saint Samson s’y prépara et informa ses chanoines et religieux de ses intentions. Il mit de l’ordre dans les affaires de son église à Eborac (York) et partit en mer avec ceux qui voulurent le suivre. Ils furent favorisés par un vent favorable et atteignirent rapidement les côtes de Bretagne Armorique. Lorsqu’ils accostèrent à l’embouchure d’une rivière, ils rencontrèrent un homme nommé Privatus, visiblement affligé et triste. Saint Samson lui demanda la raison de sa tristesse et Privatus lui expliqua qu’il attendait un saint personnage venu d’outre-mer qui guérirait sa femme, lépreuse, et sa fille, possédée par un esprit malin.
Saint Samson le réconforta et l’accompagna jusqu’à sa maison, où, par ses prières, il guérit miraculeusement les deux femmes. Privatus réalisa alors que saint Samson était bien le saint personnage qu’il attendait pour la guérison de sa famille. Reconnaissant et ému, il s’agenouilla devant le saint prélat pour le remercier et le supplia de rester dans ses terres, lui offrant de lui attribuer un endroit pour y résider. Saint Samson accepta l’offre de Privatus et choisit un lieu où se trouvait un puits recouvert de ronces et de broussailles. Il y édifia un monastère, qui fut rapidement achevé, et s’y installa avec ses religieux. Ce monastère fut appelé Dol, et par la suite, une ville portant le même nom fut érigée à cet endroit et devint le siège d’un archidiocèse, comme nous le verrons par la suite.
En mission pour Dieu, en Armorique, sa terre natale
A peine était-il arrivé en Bretagne, que saint Samson alla rendre visite à sa mère qui vivait encore dans le monastère où elle s’était retirée en tant que religieuse. Il découvrit que sa sœur s’était séparée d’elle afin de se livrer impunément à des actes immoraux. Il tenta de la convertir, mais n’obtenant aucun résultat, il décida de l’abandonner et retourna dans son monastère pour mener une vie très sainte avec les quarante-huit religieux qu’il avait rassemblés en ce lieu.
En peu de temps, sa communauté s’accrut considérablement, si bien qu’il fonda un autre monastère dans la ville de Kerfeunteun, peuplant ainsi ce monastère à partir de celui de Dol.
Une nuit, alors que les religieux s’étaient rassemblés dans le chœur pour chanter les Matines, la lampe s’éteignit et il fut impossible de la rallumer ou d’obtenir du feu d’ailleurs. Cependant, saint Samson ne s’inquiéta pas de cette situation, mais se mit en prière. Pendant qu’il était plongé dans sa prière, tous les cierges de l’église s’allumèrent d’eux-mêmes.
Un jour, il reçut la visite de certains seigneurs de haut rang et il leur demanda où se trouvait le roi. Ils lui apprirent que le roi avait été tué par le comte de Léon et de Cornouaille, nommé Conomor, qui l’avait surpris à la chasse. Conomor cherchait également à faire subir le même sort au roi Judwal, fils du défunt roi, qui, pour échapper à la cruauté de ce tyran, avait quitté le pays et s’était réfugié en France, à la cour de Childebert, roi de Paris.
Révolté par une telle félonie et indignité, saint Samson décida de se rendre en France pour persuader le roi Judwal de revenir dans son pays et de solliciter l’aide du roi Childebert en termes de forces et de finances pour reconquérir son royaume et remettre ce comte malveillant à sa place.
Saint Samson soutient Judual auprès du roi childebert.
En cours de ce voyage, il guérit un homme aveugle de naissance en lui rendant la vue par un signe de croix sur ses yeux. Arrivé au Palais Royal à Paris, il chassa le diable du corps d’un haut responsable du roi Childebert, qui le reçut chaleureusement en tant que prince très pieux et lui accorda une audience en plein conseil.
Saint Samson exposa alors avec éloquence le motif de sa venue à la cour, qui était de faire savoir à sa Majesté que le comte de Léon et de Cornouaille, nommé Comorre, non content d’avoir traîtreusement massacré son souverain, le roi Jona de Bretagne Armorique, avait également envahi son royaume, pillé et ravagé ses terres, traitant ses sujets en ennemis et commettant toutes sortes d’actes hostiles à leur égard. De plus, Comorre poursuivait également le roi Judwal, le successeur légitime du roi défunt, l’obligeant ainsi à quitter son royaume pour se réfugier auprès du roi Childebert.
Saint Samson demanda alors au roi Childebert de soutenir le roi Judwal en lui prêtant des forces suffisantes pour reconquérir son royaume et ramener les rebelles à l’obéissance. Le roi Childebert promit son soutien et accueillit saint Samson dans sa cour.
À la demande du roi, saint Samson chassa également un dangereux dragon qui infectait les environs de la ville de Paris. Il ordonna au dragon de se retirer dans le désert au-delà de la Seine, et le dragon obéit, disparut à jamais de la vue de tous. En reconnaissance de ces actions miraculeuses, le roi Childebert offrit à saint Samson l’emplacement de la grotte du dragon pour y construire un monastère. Le monastère fut doté de riches revenus et fut nommé Penili Sant Samson, c’est-à-dire, le Lieu de Pénitence de saint Samson.
Suite à la discussion des affaires du roi Judwal, qui résidait dans un château à deux lieues de Paris, saint Samson déjeuna à la table du roi. Le roi était enclin à répondre favorablement aux prières de saint Samson et à lui accorder de l’aide en forces et en argent pour soutenir le roi Judwal. Cependant, la reine, qui était éprise du jeune et beau roi Judwal au-delà de toute raison, s’opposa à cette idée et résolut de faire mourir saint Samson coûte que coûte.
Elle corrompit un échanson du roi, lui ordonnant de servir du vin empoisonné à saint Samson. Toutefois, le saint fit son signe de croix habituel sur la tasse de vin, et celle-ci se brisa, renversant le poison sur la main de l’échanson. Sa main enfla instantanément, menaçant de gagner tout le reste de son corps. L’échanson, repentant de son acte, se jeta à genoux et demanda pardon à saint Samson, qui, oubliant l’offense, lui accorda sa grâce et le guérit en faisant le signe de la croix sur son bras.
La reine ne se découragea pas pour autant et chercha d’autres moyens pour mettre à exécution son funeste dessein. Elle proposa à l’écuyer du roi de présenter à saint Samson un cheval extrêmement beau, mais aussi furieux et indompté, que personne n’osait monter sous peine de mort. Le lendemain, quand le roi et le saint allèrent voir Judwal, l’écuyer amena le cheval devant saint Samson. Celui-ci, avant de monter, fit le signe de la croix sur la selle et chevaucha le coursier avec une facilité déconcertante, le maîtrisant aussi aisément qu’un agneau.
Mais la reine ne renonça pas à son dessein malveillant et chercha à tout prix à le faire périr. Un jour, alors qu’il se promenait seul dans la cour du château, elle fit lâcher contre lui un puissant lion qui était enfermé dans une cave. Voyant la bête s’approcher avec la gueule ouverte, saint Samson leva la main et fit le signe de la croix en sa direction, le lion tomba mort à ses pieds.
La reine qui s'oppose à Saint Sansom se vide de son sang.
Le lendemain, saint Samson célébra la messe devant le roi; la reine y vint, plus pour complaire à son mari qu’autrement, et lorsque le saint commença la messe, elle tourna le dos à l’autel et se mit à rire et à causer avec quelques autres dames, mais elle en fut sévèrement châtiée. Soudainement, elle fut frappée d’une violente maladie qui lui fit perdre tout son sang par le nez, la bouche et autres conduits de son corps, sans qu’on puisse l’étancher, et le troisième jour, elle expira.
Cet obstacle étant levé, Childebert congédia le roi Judwal, lequel, par son congé, leva quinze mille hommes que le roi de France soudoya et paya par avance pour une demi-année. Après avoir remercié son hôte et protecteur, il s’en vint en Bretagne avec saint Samson, auquel le roi Childebert donna à son départ certaines îles qui sont en la mer, à la côte de Normandie, pour appartenir à perpétuité au monastère de Dol, notamment l’île d’Her, de Jersey et de Guernesey.
Dès que les bannières royales parurent en Bretagne, tout le pays se souleva contre le tyran qui l’avait tant grevé, taillé et mutilé, qu’il ne pouvait davantage supporter sa tyrannie. Les seigneurs et barons mirent leurs sujets en armes et se rangèrent auprès du roi, lequel, en peu de jours, vit une armée de soixante mille combattants. Le tyran Comorre, ayant été averti de l’arrivée du roi et du soulèvement universel de ses sujets, assembla ses forces et forma un gros de cinquante mille hommes. Il fit appel à quinze mille Danois, Normands, Frisons et gens de diverses nations qui rôdaient sur la côte et lesquels, après avoir laissé leurs navires au port de l’île d’Yeu, se rendirent dans l’armée de Comorre, qui se sentant alors assez fort, commença à tenir la campagne et chercher l’armée royale. Il la trouva dans la plaine qui est entre la forêt de Gerber (où de nos jours se trouve l’abbaye de Notre-Dame du Relec, ordre de Cisterciens) et l’entrée de la montagne d’Aré, dans la paroisse de Plouneour-Menez, diocèse de Léon, à quatre lieues de la ville de Morlaix.
Le tyran Conomor meurt au combat.
Après s’être préparés au combat toute la nuit, le lendemain, ils se rejoignirent et combattirent tout le jour, et encore le jour suivant, avec des pertes égales de part et d’autre, sans qu’aucun côté ne penche davantage vers la victoire. Mais lors du troisième combat, les Danois et les Frisons, qui jusqu’alors avaient fait des merveilles, furent si vivement attaqués par la cavalerie bretonne que leurs bataillons furent dispersés sous les coups et qu’ils prirent la fuite. Conomor, qui était dans sa propre bataille, voyant cela, se désengagea pour tenter de rallier et de ramener ses hommes au combat, mais ce fut le coup fatal pour lui, car le reste de son armée, pensant qu’il fuyait également, se mit à fuir à son tour. Lui, voyant que tout était perdu, resta ferme et planta sa bannière, combattant avec acharnement pendant plus de deux heures ; finalement, un archer français lui décocha une flèche qui l’atteignit à la jonction du gorgerin et du hausse-col, et lui traversa le cou de part en part. Malgré cela, il eut encore le courage de tirer la flèche et de la lancer vers celui qui l’avait blessé, mais en perdant son sang qui coulait sans cesse de sa plaie, il tomba de son cheval et fut étouffé au milieu de la pression des chevaux et des soldats.
Après cela, ce ne fut que tueries et carnages parmi les vaincus, en particulier les Danois et les Normands, qui se trouvèrent acculés par les paysans ayant brûlé leurs vaisseaux. Saint Samson, qui avait été en prière continue pendant les trois jours de combat, comme un autre Moïse, descendit de la montagne et vint saluer le roi, le félicitant pour sa victoire et l’encourageant à rendre grâce à Dieu, ce qu’il fit. Le roi n’oublia pas de récompenser les Français qui l’avaient assisté, et il les congédia après leur avoir donné des présents. Peu après, il envoya une solennelle ambassade auprès du roi Childebert pour le remercier de l’assistance qu’il lui avait apportée et pour l’assurer du remboursement de l’avance qu’il avait faite pour la solde de ses soldats.
Saint Samson devient le premier archevêque breton en 555.
Saint Samson, voyant que le roi Judwal était en paisible possession de son royaume, se retira dans son monastère. Le roi lui fit de grands présents et lui accorda de bons revenus. Ensuite, il visita son royaume et rencontra les saints personnages qui avaient été installés aux sièges épiscopaux pendant qu’il était absent, réfugié à la cour du roi Childebert. Tous ces évêques le supplièrent de considérer la vertu et la sainteté de saint Samson, ainsi que la dignité archiépiscopale avec laquelle il avait admirablement gouverné son Église d’Eborac dans l’île de Bretagne. Ils lui demandèrent de lui accorder un siège archiépiscopal dans leur royaume, auquel ils se soumettraient volontiers. Puisqu’il était venu en dernier, le territoire de Dol était de taille modeste, ils offrirent tous de lui donner quelques paroisses dans leurs diocèses, tant pour agrandir son territoire que pour légitimer son titre d’archevêque.
Le roi Judwal accepta la demande des évêques et, avec leur consentement, il envoya une ambassade au Pape Pelagius. Celui-ci, à la prière dudit prince, érigea le siège de Dol en archevêché en l’an 555 de grâce, et envoya le pallium à saint Samson, le reconnaissant comme métropolitain. Les six autres évêchés du royaume de Judwal se soumirent à lui : Rennes et Nantes, qui n’étaient pas de l’obéissance de Judwal, demeurèrent sous l’autorité de l’archevêque de Tours.
Lorsque les ambassadeurs furent arrivés en Bretagne, le roi alla à Dol et y convoqua les autres prélats : saint Paul, évêque de Léon ; saint Tugdwal, évêque de Tréguier ; saint Brieuc, évêque de Vannes ; saint Malo, évêque d’Aleth ; saint Patern, évêque de Vennes ; et Salomon, évêque de Cornouaille. En leur présence, saint Samson reçut le pallium que le Pape lui avait envoyé, étant pieds nus et prosterné devant l’autel de son église abbatiale de Dol, qu’il utilisa ensuite comme cathédrale. Il transféra son monastère dans un lieu appelé Kerbouët, situé à une grande demi-lieue de Dol, et institua son disciple saint Magloire comme abbé de ladite abbaye, se consacrant entièrement au soin et au gouvernement de son troupeau.
Saint Samson participe au concile de Paris.
Après avoir été élevé à cette sublime dignité, Saint Samson veillait diligemment sur son troupeau. Il visitait son diocèse une fois par an, réformant les mœurs corrompues, tant du clergé que du peuple, reconstruisant les églises qui avaient été ruinées lors des guerres précédentes. Il pourvoyait aux cures des clercs savants et vertueux, qu’il faisait élever et instruire avec soin dans ses monastères. Chaque année, le premier jour de novembre, il convoquait son synode provincial pour assurer le bon gouvernement et la discipline de son archidiocèse. Il se comportait en tout point comme l’archevêque métropolitain de Bretagne, sans que Saint Euphronius, alors archevêque de Tours, s’y oppose ou contredise en quoi que ce soit. Peut-être parce qu’il reconnaissait la sainteté bien connue de Saint Samson, ou à cause de la qualité d’archevêque qu’il avait occupée dans l’île, ou plus vraisemblablement par respect envers le siège papal et le pape Pelagius, qui avait élevé Dol au rang d’archevêché et honoré notre Samson du pallium.
Au concile de Paris, célébré par ordre du pape en 559 (selon Baronius), quatre ans après l’érection de Dol en archevêché, les deux saints prélats étaient présents et il n’y eut aucune controverse ni dispute concernant leur qualité ou juridiction. Saint Samson ne signa pas au rang des archevêques, mais tout en bas de la liste des évêques, écrivant « SAMSON PECCATOR subscripsi » – « Je, Samson, pécheur évêque, ai soussigné. » Il le fit non pas pour diminuer sa qualité, mais par humilité, comme on peut le déduire de la manière dont il signa.
Lors de ce concile, participèrent de nombreux évêques, dont Probrian, archevêque de Bourges, Pretextat de Rouen, ledit saint Euphronius de Tours, Leontius de Bordeaux et notre saint Samson de Dol, ainsi que plusieurs autres. Ce concile fut célèbre non seulement en raison des personnalités éminentes qui y assistèrent, mais aussi en raison des circonstances de l’époque, du lieu et des raisons pour lesquelles il avait été convoqué. Les malheurs des guerres semblaient avoir donné lieu à de nombreuses pratiques, que l’on n’aurait pas osé contester à cette époque. Les principales causes de ce concile étaient diverses, mais l’une d’entre elles était de réprimer l’appétit insatiable de certains officiers du roi qui s’emparaient des biens de l’Église. Ce concile fut tenu à Paris, la capitale du royaume et la résidence habituelle du roi, ce qui montre à quel point ces saints prélats étaient zélés pour l’honneur de Dieu et préféraient la crainte de Dieu aux menaces des princes temporels.
En effet, ils vivaient sous le règne d’un roi, Childebert, qui avait hérité des vertus et de la piété de son père Clovis, tout autant que de son empire. Childebert était un prince pieux et respectueux envers l’Église, qui appréciait les saints personnages qui abondaient dans son royaume à son époque. À la suggestion de Saint Germain, évêque de Paris, il avait sollicité la convocation de ce concile auprès du pape Pelagius, et il fit scrupuleusement respecter les statuts qui y furent adoptés.
Encore que le roi eût désigné un quartier dans son palais pour saint Samson, celui-ci refusa d’y loger et préféra séjourner au monastère de saint Symphorien, dans les faubourgs de Paris, dont saint Germain était l’abbé. Un jour, alors qu’il était avec saint Germain, l’eau vint à manquer pour le déjeuner des religieux. Saint Samson frappa un rocher avec son bourdon, et une source d’eau fraîche jaillit, qui continua de couler depuis ce jour. Les deux saints prélats conversaient ensemble de leurs monastères, et saint Samson expliqua que ses religieux étaient d’excellents gestionnaires et prenaient grand soin de préserver des ruches de mouches à miel. Outre le miel qu’ils récoltaient en abondance, les abeilles leur fournissaient plus de cire que nécessaire pour l’église tout au long de l’année. Cependant, le pays n’était pas propice à la culture de la vigne, ce qui les privait de vin. Saint Germain répliqua que, au contraire, ils avaient des vignes en abondance et produisaient bien plus de vin qu’ils n’en avaient besoin pour le monastère. Cependant, ils devaient acheter toute la cire nécessaire pour l’éclairage de leur église. Il proposa alors à saint Samson que chaque année, ils lui donneraient le dixième du vin récolté dans leurs vignes en échange de cire pour leur église. Saint Samson accepta cette proposition, et ainsi les deux monastères s’entraidèrent pendant la vie des saints.
Après la fin du concile, saint Samson retourna en Bretagne en passant par la Neustrie (aujourd’hui la Normandie). Au cours du voyage, l’une des roues de son chariot, dont il se servait en raison de son âge avancé (soixante-quatre ans), se brisa. Cependant, le chariot continua de rouler et il arriva à Dol, ce qui réjouit toute la Bretagne. Au cours de ce voyage, il guérit un pauvre homme et le délivra d’un serpent qui s’était introduit dans son corps pendant qu’il dormait sous un arbre.
En l’an 570, le second Concile de Tours fut célébré, auquel notre saint Samson n’assista pas. Les Pères du concile furent un peu troublés par cette nouvelle dignité archiépiscopale, mais ils n’en firent aucune plainte ni bruit. Ils se contentèrent de défendre, par un canon (le neuvième), sous peine d’excommunication, que personne ne pouvait consacrer un évêque en Armorique, que ce soit un Romain ou un Breton, sans le consentement ou les lettres du métropolitain et des évêques de la province. Cette question fut discutée plus en profondeur, et saint Grégoire de Tours, qui succéda à Saint Euphronius, bien qu’il fût très jaloux des prérogatives de son Église (et d’ailleurs originaire d’Auvergne), n’en parla jamais et ne contesta jamais cette qualité à notre saint Samson ni à son successeur, saint Magloire.
Depuis le retour de saint Samson du concile de Paris, il résida continuellement dans son diocèse, consacrant toutes ses pensées à la direction des âmes que Dieu lui avait confiées. Il passait la plupart de son temps dans l’église, où il priait pendant des jours et, parfois, des nuits entières avec ferveur. Pendant ses prières, on a souvent vu sa tête entourée d’une sorte de globe lumineux. Il guérit la santé de deux jeunes enfants issus d’une bonne famille, qui étaient déjà aux portes de la mort. Il libéra huit possédés par des démons, dont une femme qui était possédée depuis deux ans. Il guérit un homme souffrant d’une maladie nerveuse ou d’une paralysie, et par ses prières, il obtint la fécondité pour plusieurs femmes stériles.
Un pouvoir surnaturel sur les animaux sauvages
Il y avait près de Dol un seigneur nommé Frogerius, riche et puissant dans la région, grand ami et bienfaiteur de saint Samson et de ses religieux. Cependant, sa femme était tout à fait opposée à eux et leur était hostile. Pour contrarier le saint et nuire à ses religieux, lorsqu’ils avaient fauché les prairies du monastère et que le foin était récolté, il ne restait plus qu’à le ramasser. Elle ordonna à son porcher de faire paître ses porcs dans ces prairies. Saint Samson, averti de cette situation, fit chasser les porcs et dit au garçon de ne plus les y amener. Mais cette femme, irritée, les fit revenir dès le lendemain.
Le saint prélat, voyant cela, eut recours à la prière, implorant notre Seigneur de protéger les biens et les héritages donnés à ses serviteurs. À l’instant même, tous les porcs furent métamorphosés en boucs puants et infects, ce qui stupéfia cette femme. Après avoir dédommagé le monastère et demandé pardon à saint Samson, les boucs reprirent leur forme originale de porcs.
Dieu avait donné à saint Samson un pouvoir absolu sur les animaux les plus sauvages. Un jour, un renard avait volé une poule qui était nourrie dans son monastère. Le saint lui ordonna de la restituer, et le renard rapporta la poule et la déposa à ses pieds, attendant la punition qu’il méritait jusqu’à ce que saint Samson le congédie.
En outre, des oiseaux sauvages importunaient les religieux de son monastère par leurs cris incessants. Saint Samson les rassembla et les enferma dans la cour du monastère pendant une nuit, leur imposant le silence. Aucun oiseau ne s’envola, et le lendemain matin, il les congédia en leur interdisant de déranger davantage les religieux, ce qu’ils observèrent scrupuleusement.
Un inlassable défenseur de la sainte doctrine
Parmi les statuts des religieux de saint Samson, il y en avait un qui était scrupuleusement observé et qui interdisait l’entrée de femmes dans le monastère, quelle que soit leur qualité ou condition. Un jour, la femme de Frogerius, dont nous avons parlé précédemment, se trouvait à l’église et remarqua que la porte du monastère était ouverte. Dédaignant le saint et sa règle, elle poussa deux de ses dames d’atour à l’intérieur. Cependant, elles en sortirent sans aucun mal, car elles y étaient entrées contre leur gré. Voyant cela, leur maîtresse osa s’y aventurer elle-même, se promenant un court instant dans le cloître. Mais son arrogance ne dura pas longtemps, car lorsqu’elle tenta de sortir, elle devint subitement aveugle. Incapable de retrouver la porte par laquelle elle était entrée, elle dut être emmenée chez elle, où elle tomba gravement malade. Son mari, informé de la raison de son affliction, la réprimanda sévèrement pour son imprudence à enfreindre les ordonnances du saint prélat. Il supplia alors saint Samson de lui pardonner, de venir la visiter et de prier pour elle. Le saint accepta et la guérit de sa maladie.
Parmi les îles que le roi Childebert avait données à saint Samson, il y en avait une où les habitants continuaient à pratiquer certaines cérémonies païennes, notamment le premier jour de janvier, où ils sacrifiaient à Janus. Saint Samson prit la décision de les convertir entièrement à la foi chrétienne et de purger son diocèse de ces restes d’idolâtrie. Pour ce faire, il se rendit dans cette île, prêcha l’Évangile et pour les disposer à la conversion, il offrit à tous les enfants insulaires un écu d’or chacun. Il y établit une église, un recteur et d’autres ecclésiastiques pour les instruire et les confirmer dans la religion. Après cela, il retourna sur le continent et se retira à Dol.
Dieu, voulant récompenser ses longs travaux, envoya à saint Samson une maladie qui lui fit comprendre que son temps sur terre ne serait plus de longue durée. Il fit appeler ses chanoines, religieux et les officiers de son archevêché dans sa chambre, et leur parla ainsi : “Mes frères bien-aimés et chers enfants, je vous annonce que je vais mourir et je quitte volontiers cette vallée de misères pour aller jouir de Dieu dans le ciel. Je vous supplie et vous conjure, autant que je le peux, de vous souvenir de votre profession et de suivre les conseils que je vous ai donnés. Et lorsque je serai devant Dieu, je prierai pour vous.” En les entendant sangloter, il leur dit : “Cessez, cessez de pleurer. Élie laissa après lui son disciple Élisée, et moi je vous laisse l’abbé Magloire, que dès à présent je nomme mon successeur. Je vous prie de confirmer ma nomination par votre élection. Je l’ai élevé dès sa première jeunesse et je connais sa capacité, je sais qu’il s’acquittera dignement de sa charge.” Puis, s’adressant à saint Magloire, il lui dit : “Mon frère, Dieu m’a révélé qu’après ma mort, vous serez élu pasteur de mon troupeau. Partant, faites fructifier le talent qui vous a été donné à la gloire de Dieu et à l’utilité du peuple qui vous est confié, afin que vous méritiez d’entendre un jour cette douce semonce : ‘Ô prudent et fidèle serviteur, entre dans la gloire de ton Seigneur.'”
Saint Samson meurt en odeur de sainteté.
Après avoir prononcé ces paroles, il donna sa bénédiction aux assistants, puis il demanda l’Extrême-Onction, qu’il reçut avec une grande dévotion et révérence. Sentant approcher l’heure tant désirée, il se trouvait au milieu de ses chanoines et religieux, qui chantaient des psaumes et des cantiques de louanges, les mains et le cœur élevés vers le ciel. C’est alors qu’il rendit l’esprit le 28 juillet, de l’année 615 selon certains, mais plus probablement de l’année 607, âgé de 112 ans. En effet, je trouve que saint Brieuc, qui ne mourut qu’en 614, assista à ses obsèques, ainsi que saint Gurval, évêque d’Aleth, saint Ruelin de Tréguier et Dominius, évêque de Vannes. Cela ne pourrait être possible s’il était mort en 615.
Au moment de son décès, plusieurs saints religieux virent son âme monter glorieuse au ciel. Lorsque son corps fut enterré dans le chœur de son église métropolitaine, près du grand autel du côté de l’évangile, une mélodieuse musique se fit entendre dans l’air, couvrant la voix du clergé. En même temps, le tombeau qui reçut son saint corps fut entouré d’une éclatante lumière et exhala une odeur si suave que toute l’église en fut parfumée. Dieu opéra alors tant de miracles, par les mérites de ce saint confesseur, que les saintes reliques furent élevées, et une superbe église fut construite en l’honneur de Dieu, sous son invocation. Cette église fut métropolitaine de Bretagne pendant longtemps, et son tombeau est vénéré non seulement par nos Bretons Armoricains, mais aussi par des nations étrangères.