Saint Pol Aurélien

par Arnaud

Dans les annales de l’histoire chrétienne, certaines figures saintes brillent avec une aura particulière, éclairant le chemin des croyants. Parmi elles, Saint Pol de Léon, aussi connu sous le nom de Saint Paul Aurélien, occupe une place d’honneur. En effet, Saint Pol de Léon est considéré comme un des saints fondateurs de la Bretagne.

Dans cette hagiographie captivante, Albert Le Grand nous emmène dans le sillage de Saint Pol de Léon, depuis sa naissance dans une famille noble jusqu’à sa décision de tout quitter pour se consacrer à une vie de dévotion. Au fil de ses voyages missionnaires, Saint Pol de Léon parcourt la Bretagne et l’Armorique, partageant la parole divine et convertissant les cœurs endurcis. Les récits de ses prouesses, de ses guérisons miraculeuses et de ses rencontres avec des créatures légendaires témoignent de la puissance de sa foi et de sa proximité avec Dieu.

Albert Le Grand nous fait également découvrir les moments de doute et de tentation auxquels Saint Pol de Léon a dû faire face, ainsi que ses épreuves pour établir l’église et propager la foi. Nous suivons pas à pas son ascension vers l’épiscopat du diocèse de Léon, où il laissa un héritage durable en consolidant l’église et en attirant de nombreux pèlerins et fidèles.

Hagiographie de Saint Pol Aurélien*

Saint Pol, surnommé Aurelien, naquit en l’Isle de Bretagne, jadis nommée Albion et à présent Angleterre. Son Père s’appelait Porphius Aurelianus, Gentilhomme riche et puissant, de la Province de Penohen, qui en Breton, signifie tête de Boeuf. Il naquit l’an de grâce 492, sous le règne du Pape S. Gelase I et l’Empereur byzantin Zenon. En Bretagne Insulaire, c’était le règne de Constantin; en l’Armorique, celui de Hoel II du nom, dit le Fainéant, et en France, celui de Clovis, premier Roi Chrétien des Français.

Ayant passé les années de son enfance chez ses Parents, montrant dès son bas âge des signes évidents de sa future Sainteté, il fut envoyé aux écoles où il fit un notable progrès en peu de temps, non seulement dans l’étude des lettres, mais encore plus dans la vertu; car il s’enflamma tellement dans l’Amour de Dieu et de la perfection, qu’il se résolut de quitter le monde et de se retirer dans quelque Monastère pour y servir Dieu tout le temps de sa vie. Son Père, s’étant aperçu de son dessein, le retira des écoles et voulut l’envoyer dans les Académies et dans les exercices militaires, mais l’enfant n’y voulut rien entendre, et finalement sa persévérance l’emporta; car son père, le voyant si ferme dans sa résolution, craignant de s’opposer à la volonté de Dieu, le laissa faire et à sa demande, le mit en pension au monastère de Saint Hydultus, ou Helcules, Disciple de S. Germain d’Auxerre, personnage de grand savoir.

Éducation avec d'autres saints bretons

En cette école, il eut pour condisciples trois jeunes hommes qui devinrent plus tard de grands personnages : Daniel, surnommé Aquarius, ou Boy-l’eau, en raison de son abstention de vin ; Samson, qui devint ensuite Archevêque d’Eborac en l’Isle, puis de Dol en Bretagne armoricaine ; et Gildas, surnommé le Sage, qui fut plus tard Abbé de Rhuys au Vannetais. Il demeura dans ce monastère jusqu’à l’âge de quinze ans, y poursuivant des cours en philosophie et en théologie, tout en observant ponctuellement la règle monastique, bien qu’il ne portât pas encore l’habit monastique.

La classe où Saint Hydultus donnait ses leçons était si proche du rivage de la mer qu’aux hautes marées, l’eau y pénétrait, obligeant le maître et les disciples à lui céder. Voyant cela, Saint Pol et ses condisciples prièrent leur maître de faire en sorte, par ses prières, que Dieu les délivre de l’intrusion de cet élément. Saint Hydultus les conduisit à l’église et, tous ensemble, après avoir prié, ils marchèrent contre la mer (le saint abbé tenant un bâton en sa main). La mer, comme si elle avait craint le coup, reculait au fur et à mesure qu’ils avançaient, jusqu’à ce qu’ils laissent à sec une grande étendue de terre. Le Saint Abbé lui ordonna, au nom de son Créateur, de ne pas s’avancer davantage, de peur de souiller l’endroit destiné à l’instruction de ces saints enfants, ce que la mer a depuis inviolablement observé.

En cette vaste étendue que la mer avait laissée à sec, l’Abbé S. Hydultus sema du blé. Une fois arrivé à maturité, le blé devait être protégé car les oiseaux maritimes le dévoraient. Saint Hydultus confia la garde du champ à ses élèves, qui se relayaient pour la surveiller. Une nuit où Saint Paul était de faction, il s’endormit, et pendant son sommeil, les oiseaux ravagèrent tout le blé. Le matin, se rendant compte de la situation, il fut tellement honteux qu’il n’osa pas se présenter devant son Maître pendant deux jours.

Le troisième jour, alors qu’il était avec ses condisciples dans le champ, les mêmes oiseaux revinrent pour se nourrir comme d’habitude. Voyant cela, Saint Pol dit à ses condisciples : « Mes frères, prions Notre Seigneur qu’Il nous fasse justice de ces oiseaux qui nous ont causé un si grand dommage. » Les enfants se mirent à genoux et firent leur prière. Ensuite, ils entourèrent le champ, rassemblèrent les oiseaux en un groupe et les conduisirent au monastère, comme un troupeau de brebis. Lorsqu’ils entrèrent dans la cour du monastère où l’Abbé S. Hydultus se promenait, Saint Paul lui dit : « Mon Maître, voici les coupables qui ont dévoré votre blé ; j’ai prié Dieu qu’il me rende justice, et je vous les présente afin que vous les punissiez comme bon vous semble. »

Le Saint Abbé, stupéfait par ce miracle, leur donna sa bénédiction, et les oiseaux s’envolèrent ensuite vers la mer. À partir de ce moment, il commença à considérer Saint Pol non seulement comme son disciple, mais aussi comme un saint et un ami de Dieu.

La vie érémitique dès l'adolescence

Ayant passé dix ans au monastère de Saint Hydultus, il se sentit profondément touché par le désir de vivre en ermite. Il en parla avec son Maître, qui, reconnaissant que ce désir venait de Dieu, lui conseilla de poursuivre son dessein. Ainsi, Pol prit congé de son Maître et de ses condisciples, et, à l’âge de quinze ans, se retira dans un lieu désert et éloigné près d’une ferme appartenant à son père. Il s’associa à douze personnes partageant le même désir et la même intention, et ils y érigèrent une petite chapelle et treize petites cellules, légèrement éloignées les unes des autres. Ce fut le premier monastère qu’il construisit en l’an 507.

Dans ce monastère, il mena une vie si austère et sainte que, en peu de temps, toute la région environnante venait le consulter et se recommander à ses saintes prières. Il s’habillait simplement et ne buvait ni vin, ni bière, ni aucune autre boisson autre que de l’eau. Sa nourriture ordinaire était du pain sec et un peu de sel. Les dimanches et les fêtes solennelles, il prenait sa réfection avec ses douze confrères, et alors, en compagnie, ils mangeaient quelques légumes et du poisson. Cependant, jamais il ne mangea de viande depuis son entrée au monastère.

Ayant atteint l’âge de vingt-deux ans, il fut ordonné prêtre (après avoir préalablement reçu les autres ordres) par l’évêque de Guie-Kastel (aujourd’hui appelé Winchester), son diocésain, et il célébra la messe en l’an 514, de même que ses douze compagnons.

En ce temps-là, le Roi Marc, l’un des plus puissants rois de l’Île, inspiré par Dieu, désira se convertir à la foi de Jésus-Christ. Ayant entendu parler de l’admirable sainteté de Pol, il le fit venir, accompagné de ses douze confrères, pour les catéchiser, ainsi que toute sa Cour. Saint Pol fut attristé de quitter sa chère solitude, mais l’importance d’une conversion aussi notable le poussa à mettre de côté sa consolation personnelle pour la gloire de Dieu et l’expansion de la religion chrétienne.

Le Roi accueillit Saint Pol très gracieusement et fut instruit par lui avant d’être baptisé, ainsi que les Seigneurs et les Princes de sa Cour. Leur travail fut si efficace qu’en deux ans, toutes les quatre Provinces du Royaume furent entièrement converties et les affaires religieuses bien établies partout. Le Roi voulut sacrer Saint Pol évêque de la ville, mais ce dernier refusa et commença à penser à son ermitage. Après avoir prié et consulté Dieu, un ange lui apparut et lui commanda de s’embarquer avec ses confrères, car il serait guidé par Dieu vers un pays où il produirait un grand fruit pour les âmes.

Saint Pol discuta avec ses douze prêtres, prit congé du Roi, puis il s’embarqua au port de la ville et arriva près d’un monastère de religieuses où sa sœur était abbesse. Celle-ci fut extrêmement heureuse de voir son frère, et ils passèrent trois jours en ce lieu. Au bout de ces trois jours, Saint Pol fit reculer la mer de quatre mille pas loin dudit monastère (où elle pénétrait auparavant lors des grandes marées) et ordonna à sa sœur et à ses filles de délimiter la lisière et l’extrémité de petits cailloux. Ces cailloux, de manière étonnante, se transformèrent immédiatement en grands et hauts rochers, servant de bornes à la mer et de solides digues pour contenir sa fureur. Seule une petite voie resta entre ces horribles écueils, là où Saint Pol et sa compagnie avaient passé, et cette voie fut appelée “Hent-Sant-Pol,” c’est-à-dire, le chemin de Saint Pol.

L'arrivée en Armorique

Saint Pol, ayant dit adieu à sa sœur et donné sa bénédiction à ses filles, remonta sur mer. Après avoir traversé l’océan Britannique ou la Manche d’Angleterre, ils abordèrent à l’Île de Heassa, également appelée Ouessant en français, située à sept lieues marines de la côte du bas Léon en Bretagne. Là, ils débarquèrent en l’an 517, remirent leur vaisseau en état et le tirèrent à sec. Trouvant l’endroit solitaire et propice à leur dessein, ils y édifièrent un petit monastère, composé d’une chapelle et de treize petites cellules en gazon, couvertes de glaise. Ayant vécu là pendant six mois, Dieu leur commanda, par l’intermédiaire d’un ange, de s’embarquer à nouveau, car ce n’était pas là le lieu où ils devaient s’arrêter. Saint Paul obéit à cet ordre et se remit en mer, longeant la côte du Léon de l’ouest à l’est, sans perdre de vue la terre, jusqu’au Havre du Kernic, dans la paroisse de Plounevez, où ils débarquèrent.

Voulant à nouveau construire leur monastère, Saint Pol eut une révélation de continuer à avancer dans le pays. Ils se dirigèrent alors vers la ville d’Occismor. Près de celle-ci, ils firent la rencontre d’un maître berger du comte Guythure, gouverneur du comté de Léon, à qui ils demandèrent à qui appartenait le pays où ils se trouvaient. Apprenant que cela appartenait au comte Guythure, qui résidait sur l’île de Batz, en face du bourg de Roscoff, ils s’y firent conduire. En chemin, Saint Pol redonna la vue à trois aveugles en les touchant avec son bâton. Ce miracle fut suivi de la guérison de deux muets, à qui, par sa seule bénédiction, il rendit l’usage de la parole.

Cloche de Saint Pol

Les saints passèrent ensuite sur l’île de Batz et entrèrent dans le bourg, où Saint Pol guérit un paralytique. Puis, il se fit conduire directement au palais du comte. Le Comte accueillit Saint Pol amicalement et ils discutèrent longuement de ses voyages. Ils abordèrent le sujet du refus du Roi Marc de lui donner une clochette qu’il avait demandée. À ce moment, les pêcheurs du Comte entrèrent avec la tête d’un gros poisson qui avait été pris au rivage de l’île. Dans la gueule du poisson, on trouva la clochette dont il était question. Guythurus offrit alors cette cloche à Saint Paul, qui est toujours conservée au trésor de la Cathédrale de Léon. On raconte que le son de cette cloche a guéri plusieurs malades et même ramené un mort à la vie.

Le Comte, voyant les miracles que Dieu opérait par les mérites de Saint Pol, le supplia de délivrer l’île de l’horrible dragon qui la tourmentait. Ce dragon mesurait soixante pieds de long, était couvert d’écailles dures et sortait souvent de sa caverne pour attaquer les villages voisins, dévorant hommes, femmes et bétail sans distinction. Saint Pol réconforta le Comte et passa la nuit en prières avec ses prêtres. Le matin, il célébra la messe et se mit en chemin vers la caverne du dragon, revêtu de ses ornements sacerdotaux. Le Comte et le peuple le suivirent jusqu’à un endroit où ils purent lui montrer la caverne du dragon, mais n’osèrent pas aller plus loin.

Saint Pol libère le Léon d'un dragon.

Un jeune gentilhomme de la paroisse de Cleder se proposa alors d’accompagner Saint Paul et de ne jamais le quitter. Le Saint accepta son offre et bénit son épée. Ensemble, ils avancèrent vers le dragon. Saint Paul ordonna au dragon de sortir de sa tanière, ce qu’il fit en roulant les yeux dans sa tête, froissant la terre de ses écailles et sifflant de manière effroyable, faisant résonner les rivages alentours. Saint Paul s’approcha du dragon, lui jeta et attacha son étole autour de son cou, et le confia au gentilhomme qui le guida comme un chien en laisse, tandis que Saint Paul le frappait de son bâton. Arrivés à l’extrémité nord de l’île, Saint Paul ôta son étole au dragon et lui commanda de se précipiter dans la mer. Ce qu’il fit, et cet endroit s’appelle encore aujourd’hui “Toull-ar-Sarpant,” ce qui signifie “Tombe du Serpent,” où la mer fait un grondement et un bruit étrange en tout temps, sans qu’aucune cause apparente ne soit visible.

Après avoir exterminé le monstre, Saint Pol fut accompagné par le Comte et tout le peuple qui lui rendit mille remerciements et lui souhaita mille bénédictions. En reconnaissance du courage et de la vaillance du jeune gentilhomme qui avait accompagné Saint Pol, le Comte le nomma “Ker-gour-na-dec’h,” ce qui signifie en breton “celui qui ne sait pas fuir.” Le Comte lui accorda également de nombreux beaux privilèges. De là, les seigneurs de cette maison prétendent avoir le privilège d’aller seuls à l’offrande, avec l’épée au côté et les éperons dorés, le dimanche suivant les octaves de Saint Pierre et Saint Paul, qui correspond au jour de la dédicace de l’église de Léon.

Le Comte Guythure, désirant retenir Saint Pol près de lui, lui fit don de son palais avec toutes ses dépendances et se retira dans la ville d’Occismor, où il transféra sa cour. Il céda au Saint tous les revenus qu’il possédait dans l’île de Baaz. De plus, il fit présent à Saint Paul d’un livre d’Évangiles qu’il avait écrit de sa propre main, et ce livre est encore conservé au Trésor de l’Église Cathédrale de Léon. Guillaume de Rochefort, évêque de Léon, fit recouvrir ce livre d’argent doré en 1352, avec l’apposition des armoiries de Léon et de Rochefort.

Saint Pol remercia le Comte et, à sa demande, transforma le palais en un monastère. Pour la construction et l’aménagement du monastère, il obtint miraculeusement une source en plantant son bâton dans le sol. Une fois les travaux terminés, Saint Pol s’y installa avec ses douze prêtres et de nombreux jeunes hommes qui, ayant quitté le monde, devinrent religieux.

Saint Pol, ambassadeur auprès du roi Childebert, fils de Clovis.

Les Léonnais, étant dépourvus de pasteur, désiraient ardemment avoir Saint Pol comme leur évêque et envisageaient de l’enlever de son monastère à cette fin. Cependant, le Comte Guythure les conseilla d’adopter une autre approche. Il leur suggéra de demander à Saint Pol d’aller à Paris porter des lettres importantes au roi Juduval, qui était alors réfugié à la cour de Childebert, roi de Paris. Dans ces lettres, ils devaient solliciter la confirmation des lettres et possessions que le Comte et les autres seigneurs avaient accordées à son nouveau monastère, tout en suppliant instamment le roi de le faire sacrer évêque de Léon. Les Léonnais suivirent ce conseil et Saint Pol se rendit à Paris accompagné de deux de ses confrères, confiant la gestion de son monastère à Saint Jaoua.

Les rois Childebert et Juduval furent ravis de son arrivée, car ils avaient déjà entendu parler de sa sainteté et des merveilles qu’il avait accomplies en Bretagne. Saint Pol salua humblement leurs Majestés et, après avoir fait sa harangue et rendu compte de sa mission, présenta au roi Juduval les lettres du Comte Guythure et des Léonnais, qui le suppliaient instamment de faire sacrer Saint Pol évêque de Léon. Le roi Juduval, après avoir lu la lettre, la montra au roi Childebert, qui fut d’accord pour accorder satisfaction aux Léonnais. Le roi Juduval annonça alors à Saint Paul qu’il lui accordait volontiers leur demande et le nommait évêque de Léon en lui remettant une crosse en ivoire. De plus, il confirma toutes les lettres, héritages et revenus qui lui avaient été donnés et lui offrit sa ville d’Occismor, l’île d’Ileussa, ainsi que tout le territoire d’Ackh au Léon, avec tous les revenus qui en découlaient.

Saint Paul, qui n’avait pas encore eu connaissance des intentions des Léonnais ni du contenu de leurs lettres, fut profondément étonné par ces paroles. Se jetant à genoux, les larmes aux yeux, il supplia le roi Juduval de ne pas lui imposer une telle charge trop lourde pour ses épaules fragiles. Cependant, il ne put détourner le roi de son intention, et il dut finalement consentir. Le dimanche suivant, il fut sacré à Paris, et deux jours après, il prit congé des rois Childebert et Juduval, puis retourna en Bretagne.

Childebert I, Roi de Paris de 511 à 558

Childebert, né vers 497 à Reims et mort le 23 décembre 558 à Paris. Troisième des fils que Clovis eut de Sainte Clotilde, il obtint le trone de Paris en 511.

La France se rapelle surtout de son père, Clovis, Roi de tous les Francs, dont le Baptème à Reims, en 496, par Saint Rémi, marque, d’une façon indélébile et jusqu’à la fin des temps, le destin de la France comme fille ainée de l’église.

Clovis I, Roi des Francs

En saint évèque, Saint Paul Aurélien exorcise et chasse le malin.

Le Comte Guythure, averti que le saint s’en retournait, se rendit avec toute sa noblesse dans la ville de Morlaix, qui, à cette époque, faisait partie du Comté de Léon tant d’un côté que de l’autre de la rivière Kealcut, et ne fut incorporée au Duché qu’en 1177. Là, il prépara une magnifique réception pour Saint Pol et l’accompagna jusqu’à Occismor, où il fut accueilli chaleureusement par tout le clergé et le peuple. Ensuite, il fut conduit dans l’église cathédrale, fondée autrefois par le roi Conan Meriadec, où il prit place sur son siège épiscopal et donna sa bénédiction à l’ensemble du peuple.

Dès lors, Saint Pol se mit à établir l’ordre et la discipline nécessaires pour gouverner son diocèse. Il le divisa en trois archidiaconés : Léon, Ackh et Kimilidili. Il fit également le découpage des paroisses, reconstruisit les églises et les monastères que le saxon Corsolde avait détruits, et fonda deux autres monastères en plus de celui de Batz. L’un était situé dans la paroisse de Kercloian, nommé Kerpaul, et l’autre dans la paroisse de Plougar, appelé Mouter-Paul. Il fonda également le monastère de Land-Paul, qui est actuellement une paroisse (ces monastères ayant été détruits par les Normands en 878). De ces monastères, considérés comme des pépinières et des centres de sainteté et de doctrine, il choisissait des personnes pieuses et instruites pour en faire des recteurs et des curés dans son diocèse. Il nomma S. Guevrock comme grand vicaire et pourvut ses douze prêtres des principales dignités et canonicats de sa cathédrale.

Ensuite, Saint Pol se rendit au Faou, en Cornouaille, où il extermina un pernicieux dragon qui infectait toute la contrée, et il délivra le seigneur du Faou du malin esprit. Sous son influence, le seigneur fonda le monastère de Daougloas en Cornouaille. Enfin, Saint Pol retourna dans son évêché après avoir accompli ces actions bénéfiques.

Aspirant à la solitude, il renonce à sa charge épiscopale.

Saint Pol, ressentant la pesanteur de sa charge pastorale et désirant ardemment la retraite et la solitude, prit la décision de démissionner de son évêché et de le céder à son neveu, Saint Jaoua. Ce dernier, qui était alors abbé de Daougloas et recteur de Brazpars en Cornouaille, fut choisi pour lui succéder. Devant tous ses chanoines réunis dans la salle de son manoir, Saint Pol résigna officiellement son évêché en faveur de Saint Jaoua. Ce dernier fut ensuite envoyé à Dol pour y être sacré par Saint Samson, l’archevêque du lieu et métropolitain de Bretagne à l’époque.

Saint Pol se retira alors dans son monastère de Batz, au grand contentement de ses religieux et des habitants de l’île. Cela se passa en l’an 553. Malheureusement, Saint Jaoua décéda au bout d’un an, le 2 mars 554, à Brazpars. Suite à cette disparition, Saint Pol se rendit à Occismor et présida à l’élection de Tiernomallus, un chanoine de Léon, pour lui succéder en tant qu’évêque. Malheureusement, Tiernomallus décéda peu de temps après son sacre, ce qui amena le clergé à supplier instamment Saint Pol de reprendre le gouvernement de l’évêché. Malgré ses réticences, il céda aux demandes insistantes et accepta une nouvelle fois la charge pastorale.

Saint Pol joua un rôle important dans la réconciliation (avec Dieu) du Seigneur Gurguidus de la noble et ancienne Maison de Tremazan-le-Chastel. Ce dernier avait tué sa sœur, sainte Haude, de manière involontaire. Après avoir accompli sa pénitence, il vint trouver Saint Pol qui vit une apparition d’un brandon de feu, comme un globe, sur sa tête. À partir de ce moment, il changea son nom en Tanynidus, dérivé du mot breton “Tan” qui signifie feu. Saint Pol le fit vêtir et instruire dans son monastère de Baaz. Par la suite, il le nomma prieur du monastère du Relecq, puis premier abbé du monastère de Loc-Mazé Traoun, situé en bas Léon.

Finalement, sentant ses forces diminuer de jour en jour, Saint Pol démissionna pour la seconde fois de sa charge pastorale. Son disciple et chanoine de sa cathédrale, Cetomcrinus, fut élu pour lui succéder et fut solennellement sacré évêque en l’an 566. Après son sacre, Saint Pol se retira dans son monastère de Batz où il vécut en prières continuelles, jeûnes, veilles et autres austérités jusqu’à l’âge vénérable de cent deux ans, lorsqu’il reçut sa récompense de Dieu en l’an 594. À cause des rigueurs et des austérités qu’il infligeait à son corps malgré son grand âge, Saint Paul était devenu si émacié, sec et décharné que sa peau semblait simplement étirée sur ses os.

Sa mort prochaine lui est annoncée par un ange.

Une nuit, après les Matines, alors qu’il s’était allongé sur son humble lit pour prendre un peu de repos, un ange entra dans sa cellule, qui fut aussitôt illuminée d’une grande clarté. L’ange lui dit : “Ô Pol, tu as combattu vaillamment et tu as parcouru avec bonheur la course de cette vie mortelle. Il est maintenant temps que le Seigneur, que tu as si fidèlement servi, te récompense et te donne ce que tu as mérité. Sois prêt et préparé pour le dimanche prochain, car tu entreras dans la Gloire de ton Seigneur.” Après avoir prononcé ces paroles, l’ange disparut, mais la clarté ne quitta pas la chambre.

Le saint fut rempli de joie en entendant de si bonnes nouvelles, et le matin venu, il célébra la Sainte Messe avec une ferveur extraordinaire. Ensuite, il réunit tous ses moines et leur fit une belle prédication, les exhortant à la charité, à l’humilité, à la patience et à toutes les autres vertus, ainsi qu’à observer fidèlement leurs vœux et la règle. Il leur annonça que son dernier moment approchait, leur prédisant le jour et l’heure de son départ. Il donna des instructions pour la gouvernance de tous ses monastères et envoya chercher l’évêque Cetomerinus pour qu’il vienne le voir. Entouré de ses principaux chanoines et de nombreux nobles et habitants de Léon, il se coucha, sentant une violente fièvre le saisir.

Il fit ses dernières volontés ; quand le bon prélat Cetomerinus lui recommanda son Église léonnaise, il sourit et lui dit avec esprit prophétique : “Ne vous inquiétez pas, Dieu prendra soin d’elle et pourvoira à un prélat qui vous succédera et sera très saint ; il s’appellera Goulven et achèvera ce que j’ai bien commencé dans mon diocèse.” Puis, se tournant vers ses moines, qui étaient tous agenouillés autour de son lit, pleurant chaudement la disparition de leur saint père, il leur prédit les désaccords qui surgiraient entre les chanoines de la cathédrale et eux concernant le lieu de sa sépulture. Il les pria de consentir à ce qu’il soit enterré dans la cathédrale, car il avait appris par révélation que son corps serait visité par des pèlerins, pour qui il serait incommode et dangereux de traverser fréquemment le courant de mer entre le bourg et l’île de Batz. Après cela, il leur donna sa bénédiction, leur demanda pardon et, en les entendant sangloter, leur dit : “Que signifie cela, mes chers frères ? Enviez-vous mon bonheur ? Ne vous affligez pas de mon départ, vivez selon la règle et l’exemple que je vous ai montré, et Dieu restera avec vous.”

Après avoir prononcé ces paroles, alors que sa maladie s’aggravait, il demanda à l’évêque Cetomerinus de lui administrer le Viatique et le Saint Sacrement de l’Extrême-Onction, qu’il reçut avec une grande révérence et dévotion, aidant lui-même et répondant à l’évêque. Une fois la cérémonie terminée, il se tourna une dernière fois vers ses frères et, levant la main, leur donna à nouveau sa bénédiction en disant : “Que la Bénédiction de Dieu Tout-Puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, demeure toujours avec vous.” Puis, en fixant les yeux sur l’image du Crucifix, sans montrer aucune douleur, il rendit son âme sainte entre les mains de son Créateur le dimanche 12 mars de l’an 594, à l’âge de cent deux ans. À cette époque, saint Grégoire le Grand était pape à Rome, l’empereur Maurice régnait, Hoël était roi de Bretagne Armorique, Juhaël, fils de Juduval, régnait en basse Bretagne, et en France, Chilpéric II était roi. Le corps de Saint Pol fut lavé et revêtu de ses ornements pontificaux, puis placé sur un lit honorable dans la nef de l’église du monastère de Baaz. Une foule considérable de personnes se rendit au monastère pour vénérer et toucher par dévotion ce saint corps. Le courant de mer entre le bourg de Roscoff et l’île de Batz fut couvert de bateaux, de barques, de chaloupes et de gondoles transportant les fidèles en pèlerinage.

Un miracle post mortem vient dénouer une dispute.

Tout le dispositif funéraire étant prêt, Cetomerinus, revêtu de ses ornements pontificaux, accompagné de ses chanoines et du clergé léonnais, se présenta pour prendre le saint corps et le transporter dans la barque qui avait été équipée pour le transférer sur la terre ferme. Cependant, les moines de Batz s’y opposèrent, refusant catégoriquement de se séparer de ce saint corps. De même, les habitants de l’île de Léon firent valoir leur droit, affirmant que le saint était décédé sur leur territoire, là où il avait résidé en premier lieu. Les chanoines et les habitants d’Occismor, pour leur part, soutenaient qu’il avait été leur évêque et, par conséquent, qu’il devait être inhumé dans sa cathédrale. Ils affirmaient également que les dernières volontés, lorsqu’elles sont justes, doivent être respectées de manière inviolable, et que le saint, sur son lit de mort, avait exprimé son souhait d’être enterré dans sa cathédrale.

Après de nombreuses répliques et débats, l’évêque Cetomerinus, certain de ce que Saint Pol lui avait ordonné dans ce cas, fit préparer deux chariots couverts et y attacher chacun un couple de bœufs, les plaçant au milieu de la plaine, l’un tourné vers Occismor et l’autre vers le monastère de Batz. Ensuite, le saint corps fut déposé également sur ces chariots, de sorte que la moitié reposait sur l’un et l’autre moitié sur l’autre, laissant ainsi au saint corps la liberté de choisir où il souhaitait être transporté.

Et chose merveilleuse ! Dès que le saint corps fut placé sur les chariots, il disparut si soudainement que, même si tout le peuple l’observait, personne ne put savoir ce qu’il était devenu. Les bœufs commencèrent alors à avancer, entraînant leurs chariots, l’un en direction de la barque des léonnais, l’autre vers le monastère de Batz.

Dans sa nécropole, la cathédrale Saint-Pol-Aurélien, à Saint-Pol-de-Léon, abrite de surprenantes boîtes. Elles contiennent les crânes des défunts qui furent enterrés dans l’édifice entre le XVIe et le XIXe siècle.

À partir du XVIe siècle, les plus riches avaient coutume d’être enterrés dans la cathédrale. Les années passant, les places se firent de plus en plus rares. À la fin du XVIIIsiècle, l’évêque interdit l’inhumation dans l’église et une nouvelle pratique s’imposa pour libérer le cimetière environnant. Après cinq ans, une fois les chairs décomposées, le crâne du défunt était prélevé et déposé dans une boîte. Elle était alors remise à la famille ou déposée sur les étagères.

Avec le temps, jeunes et plus âgés, pauvres et riches ont reposé dans la stricte égalité de la mort. Hamon Barbier, riche seigneur qui construisit le château de Kerjean, voisine ainsi avec Claude Le Lann, sabotier de la rue des Minimes.

Les moines et les insulaires suivirent leur chariot et, une fois arrivés au monastère, ils levèrent le couvercle pour découvrir qu’il était vide. De même, le clergé et le peuple de Léon, après avoir traversé la mer, firent de même et trouvèrent le corps dans leur chariot, qu’ils transportèrent avec grande joie et solennité à l’église cathédrale. Là, après que l’office de ses funérailles eut été célébré avec solennité, il fut inhumé dans un sépulcre au milieu du chœur.

Cependant, ce saint trésor ne resta pas longtemps caché sous terre, car Dieu le fit connaître par de grands miracles si fréquents que Saint Goulven, successeur de Cetomerinus, le retira de terre et plaça ses saints ossements, richement enchâssés, parmi les autres reliques de son église de Léon. Ils furent respectueusement préservés et pieusement vénérés par les Bretons et les étrangers jusqu’à l’an 878, lorsque les Danois envahirent la Bretagne armoricaine, ravageant le pays, renversant les églises, brûlant les saintes reliques et mettant tout à feu et à sang partout où ils passaient.

Liberal, alors évêque de Léon, sauva les reliques de Saint Paul et les emmena au monastère de Saint Florent, où elles demeurèrent jusqu’en 1567, lorsque les huguenots, s’étant emparés de ce célèbre monastère, brûlèrent ou dispersèrent les saintes reliques et pillèrent les riches châsses qui les renfermaient.

L a ville de Saint Pol de Léon, par son nom, commémore un saint fondateur de la Bretagne.

Le bienheureux Père Félix, originaire du diocèse de Cornouaille, s’étant retiré sur l’île d’Ouessant, apprit que le corps de Saint Pol avait été transporté à Saint Florent. Il décida alors de se rendre là-bas pour visiter ses saintes cendres. Avant de partir, il souhaita en discuter avec l’évêque de Léon. Il se rendit à Occismor (qui s’appelait alors Kastel-Paul), où il visita le sépulcre du saint. Ensuite, lorsqu’il monta sur la mer pour poursuivre son voyage, il fut miraculeusement sauvé d’un naufrage inévitable, ayant invoqué l’assistance des glorieux saints Pol et Benoît.

La mémoire de ce glorieux prélat est si chère aux Léonais qu’ils ont donné son nom à la principale ville, siège des évêques, seigneurs et comtes de Léon. Ils ont fait abandonner son ancien nom d’Occismor pour que cette ville soit désormais appelée la Ville de Saint-Pol-de-Léon.

* Selon l'hagiographe Albert Le Grand dans "La vie des saints de la Bretagne-Armorique". Traduit en français contemporain par Arnaud Chapin

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