Saint Brieuc, l’un des saints fondateurs de notre Bretagne Armorique et premier Évêque du Diocèse qui porte aujourd’hui son nom, est né dans la Province de Cornouailles Insulaire (maintenant appelée Pays de Galles) en Grande-Bretagne. Ses parents étaient nobles et riches, mais idolâtres ; son père s’appelait Cerpus et sa mère Eldruda. Pendant qu’elle était enceinte, une nuit, un Ange lui apparut et lui fit savoir qu’elle portait dans son ventre un enfant qui serait chéri de Dieu et illuminerait son pays avec la lumière de la Foi en Jésus-Christ. L’Ange lui ordonna de parler à son mari et de l’encourager à abandonner la vaine superstition de ses idoles pour adorer un seul et vrai Dieu.
La bonne dame, au réveil le matin, se souvint de son rêve et en informa son mari, le prévenant du commandement qu’elle avait reçu de le persuader d’abandonner ses idoles. Cependant, Cerpus ne tint pas compte de cet avertissement salutaire, considérant cela comme une histoire inventée et l’imagination d’une femme. Il n’était pas prêt à renoncer à la religion de ses ancêtres pour de telles raisons. Néanmoins, trois nuits plus tard, alors qu’il était en train de se reposer, le même Ange qui s’était manifesté à sa femme se présenta devant lui. Il lui révéla la même chose concernant l’enfant à naître de sa femme et lui ordonna d’abandonner sa fausse religion pour se préparer à recevoir la foi en Jésus-Christ. L’Ange lui reprocha sévèrement d’avoir été incrédule face aux paroles de son épouse.
Le matin venu, Cerpus rassembla tous ses amis et, après avoir raconté l’apparition susmentionnée, il décida, selon leur avis, de suivre cet avertissement. Il renversa et brisa toutes ses idoles, distribuant la moitié de ses biens aux pauvres. Cependant, il ne se convertit pas immédiatement au christianisme.
La vie de Saint Brieuc*
Après neuf mois révolus, la bonne Dame Eldruda accoucha et donna naissance à un beau bébé, qui fut nommé Brieuc par elle et son mari, comme l’Ange leur avait révélé. Ils l’ont nourri et élevé avec grand soin, toujours se souvenant des paroles de l’Ange. L’enfant grandissait en âge et en vertu. Il était étonnant de voir une telle gravité de caractère chez une si jeune personne et un esprit de vieillard dans un corps d’enfant, mature et réfléchi. Même étant jeune, il évitait les jeux et les frivolités de son âge, son esprit étant attiré par des choses plus profondes.
Sa bonne mère, reconnaissant sa disposition à recevoir les enseignements de la vertu et se souvenant du commandement de l’Ange, décida de l’envoyer chez saint Germain, l’Évêque de Paris, pour qu’il puisse être instruit par ce saint prélat, aussi bien en termes de bonnes mœurs et de religion chrétienne que dans les domaines des lettres et des sciences. Cependant, le père s’opposa au plan de sa femme, ne voulant pas entendre parler d’envoyer Brieuc si loin, surtout par crainte qu’il n’ait l’envie de devenir prêtre ou moine.
Durant ces discussions, l’Ange se présenta à nouveau à Cerpus, le réprimanda sévèrement pour son incrédulité constante et sa résistance à la volonté de Dieu. L’Ange lui ordonna, sous de fortes menaces, d’envoyer rapidement son fils à Paris chez saint Germain. Cette réprimande effraya tellement Cerpus qu’il ne perdit pas de temps et envoya Brieuc à Paris, bien accompagné de suivants et de serviteurs. Dès que saint Germain l’aperçut de loin, il reconnut, par une inspiration divine, l’identité de ce jeune enfant, ses parents et sa région d’origine. Il comprit pourquoi il était venu et ce qu’il deviendrait un jour.
Lorsque Brieuc arriva dans la salle du manoir épiscopal, il s’inclina humblement aux pieds du saint prélat. À ce moment, saint Germain observa un pigeon blanc descendre du ciel et se poser sur la tête de ce saint enfant. En voyant cela, saint Germain loua Dieu, car ce signe visible révéla l’état élevé de ce saint, que Dieu avait déjà préparé par Ses grâces.
Dès l'enfance, un esprit éveillé et une âme charitable.
Immédiatement après le départ de ceux qui l’avaient accompagné, saint Germain le fit aller en classe parmi les autres enfants qu’il enseignait. Là, Brieuc démontra son intelligence exceptionnelle. En une journée, il apprit tout son alphabet, et en cinq mois, il mémorisa l’ensemble du Psautier, afin de pouvoir chanter les louanges de Dieu à l’église aux côtés des autres frères. Il était extrêmement charitable envers les pauvres, donnant tout ce qu’il pouvait pour les aider, incapable de les voir sans leur offrir quelque chose.
À peine âgé de dix ans, on lui demanda un jour d’aller chercher de l’eau à la fontaine. En chemin, il rencontra des lépreux qui lui demandèrent l’aumône. N’ayant rien d’autre à donner, il leur laissa la cruche qu’il tenait et retourna au monastère de Saint Symphorian (aujourd’hui Saint-Germain-des-Prés près de Paris) sans avoir d’eau. Les autres enfants le dénoncèrent aux religieux, qui à leur tour en informèrent le saint évêque et abbé. Brieuc, averti de la situation, se rendit à l’église. Là, il fit humblement sa prière à celui pour l’amour duquel il avait donné la cruche en aumône. En se relevant de sa prière, il découvrit à côté de lui une autre cruche beaucoup plus belle, en bronze, artistiquement ouvragée. Il la présenta ensuite à son père abbé, lui raconta toute l’histoire, attribua le miracle à l’aumône plutôt qu’à ses propres mérites.
Saint Brieuc vit au présent et dans le détachement.
Saint Germain, reconnaissant la sainteté croissante de son disciple Brieuc à travers ce miracle, le tenait en haute estime, d’autant plus que Dieu continuait de manifester sa grâce par de grandes merveilles. Un jeune homme avait été cruellement tourmenté par un démon qui lui était apparu sous la forme d’un dragon, le possédant. Cependant, grâce à la prière de saint Brieuc, le jeune homme fut entièrement délivré de cette oppression.
Dès l’âge de douze ans, Brieuc commença à dompter son corps par des jeûnes extraordinaires, parfois en restant sans manger pendant deux ou trois jours. Il ressentit un profond désir de se retirer dans le désert, mais son père abbé ne le lui permit pas en raison de son jeune âge. Ses prières et ses contemplations étaient ferventes et fréquentes. Sa charité était immense et sa patience admirable. Il était si absorbé en Dieu qu’il ne se préoccupait guère des choses temporelles. Il avait toujours à l’esprit les paroles de Notre Seigneur : “Ne soyez pas en souci du lendemain.” Le temps où il n’était pas au chœur avec les autres moines ou en prière personnelle était consacré à la lecture des Saintes Écritures ou à des discussions pieuses avec ses confrères religieux.
Saint Brieuc est ordonné prêtre à 24 ans.
Ayant vécu les vingt-quatre premières années de sa vie comme décrit précédemment, deux jeunes clercs s’étaient présentés à saint Germain pour être ordonnés prêtres. À ce moment, le saint prélat ordonna à son disciple Brieuc de se préparer à recevoir le même ordre. Bien que son humilité le fasse se sentir indigne du sacerdoce, il obéit humblement à saint Germain et fut consacré prêtre dans l’église de Notre-Dame de Paris en l’an 549. Lors de son ordination, on raconte qu’une colonne de feu descendit sur sa tête, ce qui fit que tous les témoins présents considérèrent que Dieu approuvait cette ordination par ce signe visible.
Après avoir célébré sa première messe, il se souvint de la résolution prise par ses parents de devenir chrétiens et craignit qu’elle n’ait pas encore été réalisée. Il ressentit le désir de les revoir, et cet envie fut confirmée par un ange qui lui apparut et lui ordonna de se hâter. Après avoir obtenu la permission de partir ainsi qu’un compagnon, il prit congé de son abbé et de ses frères et se rendit dans un port où il trouva des marins d’un navire de sa région qui attendaient le vent depuis sept jours. Il pria pour eux et au lever du jour, le vent souffla favorablement. Ils levèrent l’ancre et prirent la mer, mais en pleine mer, ils rencontrèrent un grand groupe de dauphins, de gros poissons et de créatures marines qui commencèrent à agiter la mer, à heurter le navire et même à sauter à l’intérieur, menaçant de dévorer les marins, qui étaient très surpris par cette situation inhabituelle. Cependant, saint Brieuc, utilisant son arme habituelle de la prière, chassa ces créatures et ramena le calme.
Saint Brieuc baptise ses parents.
Il est arrivé en toute sécurité dans sa patrie le premier jour de l’an 550 et se rendit directement chez son père. Là, il trouva son père célébrant les festivités en l’honneur du faux dieu Janus, qui duraient trois jours. Cependant, les joies de ce monde finissent, souvent, par être assombries par la tristesse. En effet, la fête fut troublée par un accident : l’un des convives, après avoir trop bu, sauta et dansa de manière excessive, et en tombant, il se cassa la jambe. Saint Brieuc, arrivant à ce moment, réjouit toute la compagnie, en particulier ses parents. Cependant, il était profondément attristé de les voir encore en adoration du paganisme. Il commença donc à prêcher l’Évangile à ses parents. Pour confirmer la doctrine qu’il prêchait, il fit le signe de la sainte croix sur la jambe cassée de l’homme et, de cette manière, le guérit.
Ses parents et la plupart de ses compatriotes étaient désireux de recevoir le saint baptême. Saint Brieuc leur ordonna un jeûne de sept jours et, après les avoir catéchisés, il les baptisa. Il planta des croix, construisit des églises et des monastères, où il accueillit plusieurs religieux qu’il forma selon les ordres et les règles qu’il avait appris en France. Lorsqu’on montait la charpente d’une église qu’il faisait construire, l’un des artisans se coupa accidentellement le pouce. Saint Brieuc se mit à prier, replaça le pouce, fit le signe de la croix par-dessus et guérit parfaitement le charpentier, qui retourna immédiatement à son travail.
Durant son séjour, une grande famine frappa toute la province de Cornouailles. Pendant cette période, il distribua aux pauvres toutes les provisions qu’il trouva au monastère, sans que lui-même ni ses moines ne souffrent du besoin, car Dieu récompensait par d’autres moyens les aumônes qu’il faisait en Son nom.
Il consacra quinze ans et demi à convertir, enseigner et catéchiser sa région natale. Durant cette période, il avait réussi à propager l’Évangile et à instruire son peuple. Cependant, un jour de la Pentecôte en l’an 565, alors qu’il était en prière dans son monastère, il fut saisi d’un doux sommeil pendant lequel un ange lui apparut et lui ordonna de traverser la mer pour prêcher l’Évangile en Bretagne Armorique. Une fois réveillé, le saint rassembla ses moines, leur fit part du commandement de l’ange et, suivant leur conseil, constatant que les affaires religieuses prospéraient de plus en plus, il choisit cent soixante-huit de ses moines et se prépara à traverser la mer avec eux.
Ils embarquèrent alors et dirigèrent leur proue vers la Bretagne. En plein voyage, le diable, conscient qu’ils s’apprêtaient à combattre et à libérer les âmes de sa servitude, tenta de stopper le navire. Cependant, saint Brieuc repoussa ces efforts par ses prières, permettant ainsi au navire de poursuivre son trajet. Ils atteignirent finalement les côtes de la Bretagne Armorique et entrèrent dans l’embouchure de la rivière Jaudy. Cette rivière passait sous le château de la Roche-Derien et se déversait dans le Canal, ou plus précisément dans la rivière de Land-Trégouër. Ils s’arrêtèrent à l’endroit où la ville de Tréguier serait plus tard construite.
Saint Brieuc débarque en Bretagne, dans le Trégor.
Les moines furent accueillis chaleureusement et gracieusement par les Bretons du Trégor. Ces Bretons aidèrent le saint à construire un monastère dans la région pour lui et ses moines. Cependant, il fut rappelé dans son propre pays pour lutter contre la grande épidémie de peste qui y faisait des ravages. Pendant son absence, il désigna un de ses neveux comme supérieur de son monastère. Le neveu s’acquitta bien de cette charge et, à son retour, il le confirma en tant que supérieur, puis le nomma abbé en chef.
Par la suite, saint Brieuc choisit quatre-vingt-quatre moines de ce monastère. Après avoir pris congé de son neveu et des autres religieux, ils embarquèrent. Naviguant le long de la rivière de Land-Trégouër jusqu’à la mer, ils longèrent la côte jusqu’au port de Cesson, maintenant appelé Le Légué, qui est le port de Saint-Brieuc. Là, ils débarquèrent et se mirent à examiner le site, trouvant l’endroit agréable. Ils entrèrent ensuite dans une forêt voisine, où ils étaient engagés dans des discussions et des échanges spirituels.
Pendant ce temps, un chasseur au service du comte Rigual, qui résidait dans un manoir à proximité de la forêt, aperçut les moines en grand nombre et vêtus d’une manière qui était inconnue dans la région. Soupçonnant qu’ils pourraient être des espions, il galopa à toute vitesse pour avertir son maître en lui disant qu’ils étaient assis près d’une fontaine.
Croyant les paroles du chasseur, Rigual ordonna à un groupe de ses hommes de monter à cheval et de les attaquer. Cependant, à peine ces soldats avaient-ils franchi les portes du manoir que Rigual fut frappé par une maladie soudaine et violente qui le tortura. Il reconnut alors que c’était un châtiment de Dieu et se repentit amèrement de sa décision cruelle et hâtive. Il annula les ordres donnés à ses hommes et implora les saints de venir à son secours. Saint Brieuc accepta volontiers son invitation et vint accompagné de ses moines.
Dès son entrée dans la salle, Rigual reconnut Brieuc comme son cousin et demanda pardon pour l’outrage qu’il avait voulu lui infliger, ainsi qu’à ses religieux. Il supplia Brieuc de prier pour sa guérison. Le saint accepta cette demande et pria pour Rigual. Ensuite, il fit venir de l’eau, la bénit, l’aspergea et en fit boire à Rigual. Immédiatement après, Rigual se leva du lit en pleine santé et vigueur. Il serra le saint dans ses bras, exprimant sa gratitude pour cette faveur divine. En signe de reconnaissance, Rigual lui donna son manoir ainsi que toutes ses dépendances pour qu’il puisse y séjourner avec ses moines.
Saint Brieuc fraternise avec Rigual, roi de Domnonée.
Saint Brieuc accepta ce don et fit construire un petit oratoire près de la fontaine où il s’était d’abord arrêté, et qui a depuis été nommée la fontaine de Saint Brieuc. Ensuite, avec plus de temps à disposition, il entreprit la construction d’un monastère adjoint au palais de Rigual, qui était également le manoir épiscopal. Pour ce faire, de nombreux arbres de la forêt furent abattus, à la fois pour libérer de l’espace pour la construction et pour fournir du bois pour la charpente.
Une fois le monastère achevé, saint Brieuc et ses moines s’y installèrent. La renommée du saint se répandit rapidement dans tout le pays, et en peu de temps, la forêt fut habitée puis finalement complètement défrichée pour laisser place à une ville qui fut construite et nommée en l’honneur de son premier pasteur, Saint-Brieuc. Vivant dans ce monastère avec ses frères, saint Brieuc devint célèbre grâce à de nombreux grands miracles. Parmi eux, il guérit un homme aveugle par ses prières.
Saint Brieuc devient évêque.
La montagne ne peut être cachée pendant longtemps, ni la flamme rester sous le boisseau. De la même manière, Dieu voulut que son serviteur Brieuc apparaisse dans son église pour guider ceux qu’il avait convertis à la foi. Ainsi, avec le consentement unanime de la région, il fut élu évêque du Brioçois et fut sacré. Son monastère fut alors transformé en cathédrale. Cependant, les détails précis de l’année de son élévation, sous quel pontife il fut élu et d’autres particularités liées à la création de ce nouvel évêché ne sont pas clairement documentés jusqu’à présent.
Nous pouvons cependant être assurés qu’il fut le premier évêque de Saint-Brieuc et qu’il a dignement exercé cette fonction pendant plusieurs années. Il assista le comte Rigual lors de sa dernière maladie et fit prier et chanter des services pour le repos de son âme.
Lorsque le moment vint où Dieu voulait récompenser ses efforts, il lui fit savoir par une révélation qu’il était prêt à quitter la prison de son corps. Saint Brieuc se coucha donc sur son modeste lit de mort et, ayant rassemblé tous ses moines, leur ordonna un jeûne de six jours. Il les exhorta à veiller et à prier de manière extraordinaire pendant cette période. Sentant sa maladie s’aggraver, il se confessa généralement, reçut le saint Viatique et le sacrement de l’Extrême-Onction. Il adressa des exhortations à ses frères pour qu’ils respectent la règle monastique et leur engagement religieux. Les moines, en larmes, se tenaient près de son lit.
Finalement, sentant la proximité de la mort, le cœur, les mains et les yeux tournés vers le ciel où il avait ancré toute son espérance, il prononça le saint Nom de Jésus et rendit son esprit béni entre les mains de son Créateur. Il avait atteint l’âge de 90 ans et l’année du Seigneur était 614.
Saint Brieuc décède à 90 ans, en l'an 614.
À la nouvelle de sa mort, une foule de personnes de toutes parts se rendit au monastère pour rendre hommage à son corps sacré. Pour satisfaire la dévotion du peuple, le corps de saint Brieuc fut exposé dans une salle du monastère du manoir épiscopal, revêtu de ses ornements pontificaux, diffusant une douce fragrance dans toute la pièce. Dieu accomplissait plusieurs miracles en ce lieu, témoignage indiscutable de la sainteté de son serviteur.
La sainteté de saint Brieuc fut également attestée par deux saints religieux d’outre-mer. L’un d’eux, appelé Aforcanus, eut la vision de l’âme de saint Brieuc quittant ce monde. Il vit son âme sous la forme d’une belle colombe blanche comme neige, portée au ciel par quatre anges en forme d’aigles étincelants, si éclatants qu’il pouvait à peine les regarder. L’autre religieux s’appelait Simanus, disciple de saint Brieuc, et résidait dans le monastère que le saint avait érigé en Cornouaille, dans les îles. Il eut une vision presque identique à celle d’Aforcanus, le même jour et à la même heure que lui. Pour en avoir la certitude, il traversa la mer et se rendit au monastère de Saint-Brieuc pour raconter sa vision.
Dans sa vision, il vit une échelle magnifique qui touchait le ciel d’un côté et la terre de l’autre. L’âme bienheureuse de saint Brieuc montait au ciel le long de cette échelle, accompagnée par une troupe d’anges. Ces anges étaient divisés en deux chœurs, une partie la précédant et l’autre la suivant, chantant un motet si mélodieux qu’il en fut transporté et extasié. Il raconta également que lors de son dernier voyage en mer, le bateau s’était élargi en pleine mer, mais que le diable l’avait attaqué en tentant de l’étrangler. En invoquant saint Brieuc de tout son cœur et de sa bouche autant qu’il le pouvait, l’ennemi avait fui et l’avait laissé en paix.
Finalement, son corps sacré fut solennellement inhumé dans l’église de son monastère, qu’il avait lui-même construite et dédiée à Saint Étienne. La réputation de sa sainteté se répandit si loin qu’un an après sa mort, le jour de son décès, une multitude innombrable de personnes de différentes langues et nations vinrent visiter sa tombe. Par les mérites du saint, ces visiteurs obtenaient de nombreuses faveurs du ciel. De nombreux miracles se produisirent à cet endroit à différents moments.
Parmi ces miracles, il y eut le cas d’un homme pauvre, dont le corps semblait être une masse de chair ou de peau sans os ni nerfs. Il ne pouvait ni se tenir debout ni se coucher et ne pouvait se mouvoir ni avec les pieds ni avec les mains. Après avoir dépensé toute sa fortune en médecins qui ne purent rien faire pour lui, il se confessa, communia et pria au tombeau du saint. Soudainement, il se sentit entièrement guéri et retourna chez lui en pleine santé et enjoué. Le moine Simanus, dont nous avons parlé précédemment (qui avait séjourné quelques années au monastère de saint Brieuc), vit ce miracle de ses propres yeux. Il avait observé le patient dans sa maladie et ensuite vu sa guérison. Il a laissé un témoignage écrit de ce miracle.
En raison des miracles qui se produisaient à son tombeau, et après consultation du métropolitain, de l’évêque et de tout le clergé, le saint corps de Brieuc fut exhumé et ses reliques précieuses furent placées dans de riches reliquaires. Elles furent ensuite exposées au peuple pour être vénérées comme les reliques d’un saint.
Discussion autour des reliques de Saint Brieuc
Ainsi, l’Église de Saint-Brieuc et toute la Bretagne possédaient ces précieuses reliques jusqu’à ce que le roi Herespée, fils du grand Neomene, les fasse transférer de Saint-Brieuc à Angers. Il les donna à l’Église abbatiale des saints Serge et Bacche (qui était alors sa chapelle) où elles restèrent jusqu’au règne du duc Pierre Ier, également appelé Mauclerc. À ce moment-là, Pierre, l’évêque de Saint-Brieuc, constatant que son église n’avait que peu de reliques de son saint patron (seulement une mitre et une clochette), apprit que le corps de saint Brieuc avait été transféré dans l’abbaye susmentionnée. Avec l’avis favorable des chanoines et des membres importants de son clergé, il se rendit à Angers en 1210 et exposa son intention à l’évêque d’Angers, Guillaume de Chemillé. Il le supplia de soutenir son projet avec son crédit dans cette entreprise sacrée. L’évêque d’Angers promit de faire de son mieux et, dès le lendemain, se rendit avec l’évêque de Saint-Brieuc à l’abbaye de Saint-Serge.
Là, ils saluèrent l’abbé et le prièrent de réunir les religieux en chapitre. Après avoir rassemblé les religieux, l’évêque de Saint-Brieuc prononça un discours éloquent, les suppliant de lui accorder une portion honorable du corps de saint Brieuc. Il promit que si leur demande était exaucée, la cathédrale de son église et leur monastère s’uniraient étroitement dans une alliance perpétuelle et inviolable. Ils se soutiendraient mutuellement, feraient appel l’un à l’autre et s’accorderaient réciproquement des faveurs. De plus, il stipula que désormais, les funérailles des abbés de leur monastère seraient célébrées dans sa cathédrale avec la même solennité que celles des évêques. L’abbé, après avoir écouté ce discours, fut grandement troublé, ne sachant quelle décision prendre. Il redoutait d’une part de toucher au saint corps, qui avait été conservé intact pendant tant d’années, et de l’autre, de mécontenter un si vénérable prélat dans une telle affaire. Cependant, après mûre réflexion, il fut convenu à l’unanimité de répondre favorablement à sa requête.
Le corps de Saint Brieuc repose en odeur de sainteté.
Une fois cette résolution prise, la nuit suivante après les Matines, alors que les religieux s’étaient retirés dans leurs cellules, l’abbé et les pères discrets du monastère, vêtus de leurs ornements ecclésiastiques, entrèrent dans l’église en présence des deux évêques. Ils descendirent la châsse en argent dans laquelle reposait le saint corps. Dès que l’orfèvre l’eut ouverte, une douce odeur émanant des membres sacrés rafraîchit l’assemblée. À ce moment, l’abbé vénérable s’approcha et déplia un drap de soie dans lequel le saint corps était enveloppé. Il en retira un bras, deux côtes et une petite partie de la tête, qu’il remit à l’évêque Pierre présent, qui fut ravi et transporté de joie. Dans la même châsse, se trouvait une plaque de marbre sur laquelle étaient gravés en lettres d’or ces mots : “Hic jacet corpus sanctissimi Confessoris et Episcopi, quod detulit ad Basilicam suam in tempore ejusdem Capellae suae. Ylispodius Rex annorum” qui signifie “Ici repose le corps du très-saint Confesseur et Évêque Saint Brieuc, lequel Ylispodius, roi des Bretons, a fait apporter en cette église qui était alors sa chapelle.” Cette inscription indique clairement que le corps de Saint Brieuc a dû être apporté dans cette abbaye avant l’an 878, car c’est le roi Ylispodius (appelé aussi Hespens dans les chroniques), décédé en 866, douze ans avant la translation générale des corps des autres saints, qui a ordonné ce transfert. L’évêque, après avoir reçu ce précieux présent, l’enveloppa soigneusement dans des étoffes précieuses et le confia en garde au trésorier d’Angers, son intime ami. Il avait l’intention de repartir le lendemain matin pour retourner en Bretagne.
Cette nuit-là, alors que l’évêque de Saint-Brieuc se reposait, content d’avoir accompli avec succès son voyage, le glorieux saint Brieuc lui apparut dans une brillante lumière. Le saint, tout resplendissant, remercia l’évêque pour avoir pris soin de ramener ses saintes reliques dans son diocèse, puis lui fit part de ses instructions : « Prenez soin, mon fils, de préparer une réception honorable à mes restes lorsque ceux-ci entreront dans mon église. » Le matin venu, l’évêque d’Angers rassembla son clergé, qui accompagna l’évêque de Saint-Brieuc jusqu’au trésorier. Là, les saintes reliques furent remises à l’évêque Pierre et conduites en procession hors de la ville.
Pendant ce temps, l’évêque Pierre dépêcha un messager à Saint-Brieuc pour annoncer au clergé et au peuple de se préparer à recevoir les reliques de leur saint patron, qui venait les visiter. Une foule importante se rassembla à Saint-Brieuc pour célébrer cette solennité. Lorsque le vénérable prélat Pierre arriva portant les saintes reliques, il fut reçu avec honneur. Le comte Alain lui-même voulut porter l’étui contenant ces précieux restes, et il sentit que les reliques tressautaient et frémissaient quand il franchit le seuil de la porte de la cathédrale. Cela indiquait clairement que le saint prélat approuvait que ses reliques restent au milieu de son troupeau. Les reliques furent ensuite magnifiquement enchâssées et sont honorées avec une grande dévotion et révérence.