Dans les pages envoûtantes de l’hagiographie de Saint Malo, magnifiquement narrée par Albert Le Grand, se dévoile le récit captivant de l’un des sept saints fondateurs de la Bretagne. Saint Malo, dont le nom est intimement lié à la région d’Aleth, émerge comme une figure vénérable et emblématique du christianisme en terre bretonne. À travers les plumes habiles d’Albert Le Grand, nous voyageons dans le temps pour découvrir la vie extraordinaire de ce prélat éminent et apôtre de la foi chrétienne.
Né dans une époque marquée par les ténèbres et la confusion, Saint Malo se révéla comme un phare de lumière et de piété pour son peuple. Dès son jeune âge, il démontra des dons spirituels exceptionnels et une inclination profonde pour la prière et la méditation. Son désir ardent de se consacrer à Dieu le conduisit à embrasser la vie monastique au prestigieux Monastère de Llancarfan, où il fut initié aux enseignements sacrés et aux mystères de la foi.
Cependant, l’appel de la mission et de l’évangélisation le poussa à quitter les confins du monastère pour se rendre dans la région de Bretagne. Là, il se dédia à la conversion des âmes païennes et à la propagation de la parole divine. En tant qu’évêque d’Aleth, Saint Malo rayonnait par sa charité envers les plus démunis, sa sagesse dans les enseignements et son courage inébranlable face aux adversités.
Les récits épiques de la vie de Saint Malo relatent également ses nombreuses rencontres miraculeuses, où il repoussa le mal, guérit les malades et rendit la vue aux aveugles. Ces signes prodigieux témoignent de la sainteté et de la puissance de l’homme de Dieu, consacré à la protection de son troupeau et à l’édification de l’Église.
Albert Le Grand, érudit et conteur habile, tisse les fils de cette hagiographie avec une plume empreinte de vénération et, peut-être, d’un peu d’imagination… Les exploits de Saint Malo, ses dialogues célestes et sa lutte contre les forces obscures s’animent sous sa plume habile, captivant le lecteur dans une spirale enchanteresse de foi et de dévotion.
Ainsi, en parcourant les pages de cette œuvre sacrée, nous sommes transportés dans l’univers médiéval de Saint Malo, où sa sainteté et son dévouement indéfectible à la cause divine continuent d’inspirer et d’éclairer les cœurs des croyants. L’héritage spirituel de Saint Malo, tel que relaté par Albert Le Grand, demeure une source intarissable de réflexion et de piété, rappelant aux générations présentes le pouvoir de la foi et de la sainteté dans le cœur de l’Église et de l’humanité tout entière.
Hagiographie de Saint Malo*
Du temps où le Pape Symmaque siégeait sur le Trône Apostolique, sous l’Empire d’Anastase I, régnant en Bretagne Armorique le roi Hoël II, il y avait dans la province que les anciens Bretons Insulaires appelaient GuicKastel, et les Anglois Winchester, un riche seigneur nommé Guent, à qui le roi avait confié le gouvernement de ladite province en raison de sa fidélité et de son courage démontrés à maintes occasions honorables. Ce seigneur épousa une vertueuse dame nommée Darval, issue d’une famille aussi illustre que la sienne, avec qui il vécut jusqu’à un âge où ils avaient perdu tout espoir d’avoir des enfants, selon le cours habituel de la nature. Cependant, Dieu eut pitié d’eux et leur accorda cet enfant, que Darval mit au monde à l’âge de 67 ans, l’an 502 après la naissance de Notre Seigneur, la veille de Pâques. Le même jour, l’évêque de Guic-ICastel le baptisa, et ce grand personnage qu’est saint Brandan, que nos Bretons appellent Sant Brevalazr, le tint sur les fonts sacrés et lui donna le nom de Malo ou Mâchâtes. On remarque qu’au même jour naquirent, dans différentes régions de l’île, trente autres enfants qui devinrent par la suite de grands personnages et de grands serviteurs de Dieu.
A l'école, au monastère de Saint Brandan
Lorsqu’il atteignit l’âge de douze ans, il fut envoyé à l’école au monastère de S. Brandan, son parrain, qui prit un soin particulier de son instruction parmi les autres élèves qu’il avait en pension. S. Malo les surpassait tous en toutes choses. Sa principale joie était l’oraison, qu’il n’interrompait que pour se consacrer à ses livres. Dès qu’il commença à comprendre le latin, il avait constamment la Sainte Écriture sous les yeux. Même s’il lisait parfois les livres des poètes et des philosophes païens, il ne se laissait pas emporter par leurs opinions, préférant la science des saints à la vaine philosophie des sages du monde. Il s’adonnait avec une telle ferveur et application à l’oraison et à l’étude que l’intensité de sa dévotion se manifestait dans son apparence extérieure. Malgré le froid aigu et violent de cette île septentrionale, lorsque ses camarades, en sortant de l’église ou de la classe, semblaient tous abattus et transis de froid, lui apparaissait gai et bien coloré, sans se rapprocher du feu, tant la flamme ardente de l’amour divin brûlait dans son cœur.
S. Brandan ayant donné congé à ses disciples, un après-midi, saint Malo s’en alla se promener sur le bord de la mer avec ses camarades. Pendant que les autres se divertissaient et prenaient du plaisir, il se retira à l’écart sur le rivage et s’allongea sur un tas d’algues pour y dormir. Son sommeil fut si profond qu’il ne remarqua pas le bruit ni le flot montant de la mer. Les autres enfants, voyant la mer monter, quittèrent rapidement le rivage et retournèrent au monastère, sans se soucier de Malo. En peu de temps, saint Malo se trouva entouré de toutes parts par la mer, mais curieusement, elle ne l’atteignit ni ne le mouilla. Au fur et à mesure qu’elle montait, elle forma comme une petite île de graviers sous ses pieds. Lorsqu’il se réveilla et regarda autour de lui, il ne vit aucun de ses compagnons et réalisa qu’il était entouré par la mer. S’écriant : “Ô mon Dieu, où suis-je ? Aidez-moi, je vous en prie.”
De leur côté, les autres enfants arrivèrent au monastère et demandèrent à saint Brandan ce qu’était devenu Malo, mais ils n’avaient aucune nouvelle certaine à donner. Inquiet et découragé, saint Brandan se rendit sur le rivage et appela Malo à plusieurs reprises, mais personne ne répondit. Il retourna au monastère, triste et inquiet, et veilla toute la nuit dans l’église, priant Dieu avec grande ferveur et affection, demandant qu’il lui révèle l’état de son cher filleul Malo.
Saint Malo est protégé par les anges.
Alors qu’il était plongé dans la ferveur de sa prière, un ange lui apparut et l’assura que non seulement l’enfant était hors de danger, mais que Dieu avait créé une nouvelle île pour le protéger. S. Brandan fut grandement consolé par cette nouvelle et le lendemain matin, il se rendit au rivage de la mer où il vit effectivement ce monticule flottant sur l’eau avec S. Malo dessus en train de louer Dieu. S. Brandan s’approcha autant que possible du saint et ils discutèrent de cette merveille. Ensemble, ils rendirent grâces à Dieu.
S. Malo demanda à S. Brandan de lui permettre de rester le reste de la journée sur cette île miraculeuse et il souhaita avoir son Psautier ou Breviaire pour réciter ses prières. Cependant, en raison de la grande distance entre le rivage et l’île, S. Brandan ne pouvait pas lui faire parvenir le livre. S. Malo lui dit de ne pas s’inquiéter et qu’il n’avait pas peur de mettre le Psautier sur l’eau, car Dieu pourvoirait à tout. S. Brandan obéit et plaça le livre sur l’eau. Immédiatement, le tas d’algues, dont nous avons parlé, vint soulever le livre de l’eau et le porta au saint, sec et sans aucun danger. Les deux saints remercièrent Dieu pour ce miracle et passèrent le reste de la journée sur l’île avant de retourner au monastère le soir.
Après avoir passé plusieurs années à l’école de S. Brandan, les parents de S. Malo souhaitèrent le rappeler à la maison. Cependant, S. Malo désirait se consacrer entièrement au service de Dieu et s’offrir en holocauste sans aucune réserve. Il leur exprima son refus de quitter le monastère, se référant aux paroles de l’Évangile : “Ne veuillez vous nommer des pères et mères sur la terre, etc. Comment donc voudriez-vous que, quittant le service de mon Père céleste, je coure après mes parents charnels?” S. Brandan comprit sa détermination et dit à ses parents qu’ils ne devraient pas essayer de le rappeler car il était résolu à vivre et mourir au service de Dieu.
Malgré leur désir de le voir accéder aux honneurs et à la richesse, ses parents ne résistèrent pas à l’inspiration du Saint-Esprit et le laissèrent faire ce qu’il désirait. Ils ne le troublèrent plus sur ce sujet. Une fois cet obstacle écarté, S. Malo fit humblement sa demande pour revêtir l’habit monastique au même monastère. Son parrain et maître, S. Brandan, lui remit l’habit avec une extrême joie et satisfaction de son âme. Ayant atteint ce qu’il avait tant désiré, il démontra qu’avec l’habit monacal, il était revêtu de Jésus-Christ lui-même, comme le dit l’Apôtre. Il le prouva par ses actes, car il commença à mener une vie si sainte que ses confrères l’admiraient pour sa sainteté. Malgré cela, il conservait une humilité profonde et s’estimait le plus imparfait du monastère, indigne de faire partie de cette communauté religieuse.
La sainteté de Saint Malo fait des jaloux.
Il y avait cependant des individus au sein du monastère dont les yeux étaient aveuglés par l’envie envers Saint Malo, troublés par ses vertus rares et l’éclat de sa sainteté. Poussés par leur malice, ils décidèrent de lui jouer un tour. Ils observèrent qu’il devait, à son tour, allumer les lampes pour les matines et en profitèrent pour éteindre toutes les lampes du dortoir et de l’église le soir, après le départ de tous les frères. Ils pensaient ainsi que S. Malo, ne pouvant trouver du feu à temps pour l’abbé et les autres moines, subirait une punition.
Cependant, les choses ne se passèrent pas comme prévu. Ne trouvant pas de feu au dortoir, S. Malo se rendit au foyer commun où il rencontra quelques-uns de ces religieux malveillants qui lui refusèrent du feu et se moquèrent de lui en lui donnant des charbons éteints. Sans se troubler le moins du monde, le saint prit ces charbons et, n’ayant pas d’endroit commode pour les porter, les mit dans son sein. À sa grande surprise, les charbons s’enflammèrent et brûlèrent sans causer la moindre blessure à sa chair ni à ses vêtements.
S. Malo voulut ensuite présenter du feu à l’abbé, mais cela n’était plus nécessaire car un ange avait suppléé à ce défaut en allumant la lampe de l’abbé. Ce dernier embrassa tendrement Malo, reconnaissant humblement les merveilles de Dieu en lui. Désormais, il ne le considérait plus seulement comme son disciple, mais comme un grand ami et favori de Dieu. Cependant, l’humble saint Malo attribua tout cela aux mérites et à la sainteté de son abbé, et ce dernier fit de même envers lui. Ils passèrent ainsi quelques heures en cette sainte contestation, chacun s’estimant indigne des grâces et des faveurs divines reçues.
Saint Malo navigue sur les océans.
Le lendemain, Saint Brandan, ayant entendu tout le différend causé par cette méchanceté, voulut corriger les auteurs de cette malignité. Cependant, les trouvant obstinés dans leur malice et soutenus par plusieurs autres, il décida de les quitter plutôt que de faire face à la malice de ses propres frères. Il préféra se risquer aux vagues de la mer plutôt qu’à la méchanceté de ses confrères, tout en espérant que son absence et celle de celui qu’ils enviaient les amélioreraient. Il embarqua avec S. Malo et 78 autres personnes, dans l’intention de trouver les célèbres Îles Fortunées des anciens, également connues sous le nom de Canaries, situées près de la côte de l’Éthiopie. Ils avaient pour objectif d’y prêcher la foi aux Barbares et de les amener à la connaissance de Jésus-Christ.
Ils naviguèrent pendant sept jours, poussés par un vent favorable, sans apercevoir aucune terre. Finalement, le septième jour, ils jetèrent l’ancre dans une rade d’une île, débarquèrent et y séjournèrent un court moment pour se préparer à poursuivre leur voyage. Cependant, un ange leur apparut et leur ordonna de retourner dans leur pays. Ils obéirent à cet ordre et levèrent les ancres, hissèrent les voiles et se dirigèrent vers le nord. Ils continuèrent leur navigation et atteignirent la mer le jour de Pâques. Ils désiraient ardemment atteindre une île ou une côte pour célébrer les saints mystères et ne pas rester sans Messe en ce jour si spécial. Leur désir fut exaucé par Dieu, car ils découvrirent une île apparente, y débarquèrent, dressèrent un autel et y célébrèrent la Sainte Messe.
Cependant, au moment du Notre Père, l’île sembla se mettre en mouvement avec tant de violence que chacun chercha à regagner rapidement le navire par crainte du danger. Saint Malo, observant le désarroi causé, les rassura en affirmant qu’il n’y avait pas de réel danger. En effet, l’île cessa de trembler et de bouger. Ils réalisèrent alors que ce n’était pas une île, mais une baleine marine qui avait réagi ainsi. La baleine commença à sauter et à jouer dans la mer. Reconnaissants d’avoir été délivrés de ce danger, toute la compagnie remercia Dieu et se sentit bénie d’avoir pu participer, en ce jour, aux Sacro-Saints Mystères de la Messe. Ainsi, leur voyage se poursuivit, rempli d’aventures et de grâces divines, dans leur quête de prêcher la parole de Dieu et d’accomplir sa volonté.
Traversée de la Manche pour l'Armorique
Après leur arrivée au monastère, ils ne trouvèrent plus ces faux frères. Peu de temps après, l’évêque de Guic-Kastel décéda et, à la demande de tout le peuple, Saint Malo fut installé à sa place et consacré évêque, malgré ses refus. Néanmoins, il décida de quitter le pays en secret, sans en informer personne. Lorsque son père apprit cela, il fit publier dans tous les ports du pays l’interdiction de recevoir Saint Malo sur un navire ou de le passer de l’autre côté de la mer, sous peine de mort.
Malgré cette défense, Saint Malo se présenta au port pour embarquer, mais personne ne voulait le recevoir à bord de son navire. Cependant, le Seigneur, qui le guidait, lui envoya un ange sous la forme d’un beau jeune homme. Cet ange l’invita à monter à bord de son bateau et lui promit de le transporter jusqu’à l’île du saint ermite Aaron. Saint Malo n’hésita pas à accepter cette aide providentielle, s’embarqua et traversa la mer Britannique jusqu’à la côte de Bretagne, dans l’île où se trouve actuellement la ville de Saint-Malo, qui était alors appelée l’Île d’Aaron en référence à saint Aaron qui y vivait en ermite.
Après avoir débarqué sur l’île, Saint Malo remercia le jeune homme qui était en réalité un ange et monta vers le saint ermite Aaron. Averti de son arrivée par un ange, ce dernier alla à sa rencontre et l’accueillit chaleureusement dans son ermitage. Cependant, Saint Malo ne fut pas envoyé par Dieu dans ces contrées pour se reposer, mais pour travailler à la conversion spirituelle des âmes. Il prit donc congé de saint Aaron et se rendit sur le continent, arrivant dans la ville d’Aleth, située à l’embouchure de la rivière de Rance. Il entra dans la ville la veille de Pâques de l’an 538 et célébra la Messe le lendemain dans l’église de Saint-Pierre. Après la messe, il prêcha devant la foule et ressuscita un mort qui attendait d’être enterré, transformant de l’eau en vin dans un vase de marbre par le signe de la Croix.
Ces trois miracles, réalisés par les mérites de Saint Malo, le rendirent très respecté auprès des seigneurs et du peuple de la région. En reconnaissance, ils lui édifièrent un monastère près de la ville où il rassembla un grand nombre de religieux. Lorsqu’un seigneur local, poussé par le diable, voulut détruire le monastère, il devint aveugle. Après s’être repenti et avoir demandé pardon à Dieu et au saint, Saint Malo lui oignit les yeux d’huile sainte et d’eau bénite, lui rendant ainsi la vue. Le seigneur devint alors très dévoué à Saint Malo et fit de grandes donations à son monastère, plaidant auprès du roi de Bretagne, Hoël II, pour que Saint Malo soit consacré évêque d’Aleth, ce qui eut lieu vers l’an 541, sous le règne du pape Vigile et de l’empereur Justinien.
Devenu évêque malgré lui, Saint Malo s’engagea pleinement dans sa charge, veillant jour et nuit sur son troupeau. Il visitait personnellement les paroisses de son diocèse et pourvoyait en bons ecclésiastiques. Il prêchait à ses diocésains, réformait les abus et dénonçait haut et fort les vices, sans épargner personne, montrant une véritable bienveillance envers les gens de bien et une sévérité intransigeante envers les méchants.
Évèque, il exorcise et délivre du malin.
La liberté et le zèle avec lesquels il réprimandait ceux qu’il voyait s’éloigner de leur devoir ne plaisaient guère à certains nobles débauchés. Poussés par le diable, ils cherchèrent à se venger du saint en capturant son boulanger, nommé Rhunna. Ils le ligotèrent pieds et mains et l’emmenèrent loin sur la grève, espérant que la mer le submergerait lorsque la marée monterait. Cependant, par une révélation divine, Saint Malo apprit le danger qui menaçait ce pauvre homme innocent. Il pria Dieu de le protéger, et Sa grâce agit miraculeusement : au lieu d’être submergé par la mer, Rhunna fut entouré par les eaux montantes, avec une ouverture au-dessus de sa tête pour lui permettre de respirer. Une fois la mer retirée, Saint Malo envoya le sauver.
Il délivra également une pauvre femme tourmentée par un esprit malin, en lui faisant boire un calice rempli d’eau bénite. Un autre événement marquant fut lorsqu’un paysan humble et dévoué, malgré sa pauvreté, offrit à Saint Malo un jeune ânon pour le service de sa maison. Le saint remercia le paysan pour sa bonne volonté, plutôt que pour le présent matériel. Cependant, le loup dévora l’ânon, ce qui suscita la colère du paysan. Informé de la situation, Saint Malo se rendit dans la forêt voisine, fit couper un gros tas de bois et appela le loup responsable. Ce dernier se présenta et se prosterna devant le saint, implorant son pardon. En plus de cette satisfaction, Saint Malo condamna le loup à servir au même usage que l’âne qu’il avait dévoré. Le loup devint alors domestique et serviable, surpassant même l’âne en utilité. Malgré le fait qu’il partageait la même étable que les autres animaux, il ne leur faisait aucun mal.
Une autre fois, en faisant sa visite pastorale, il rencontra un pauvre porcher qui, ayant accidentellement tué une truie d’un coup de pierre, pleurait de peur d’être puni par son maître. Rempli de compassion, Saint Malo fit une prière et, en plaçant l’extrémité de son bâton pastoral dans l’oreille de la truie, la ressuscita miraculeusement.
Dieu lui vient en aide et donne des châtiments à la cité d'Aleth.
Le roi Hoël III, jeune prince courageux, souhaitait s’opposer aux privilèges et libertés de l’Église d’Aleth. Saint Malo s’opposa fermement à ses prétentions et l’admonesta doucement. Toutefois, le roi persista dans son attitude violente, et Dieu intervint en aveuglant le roi comme une punition. Après avoir demandé pardon à Dieu et au saint, le roi recouvra miraculeusement la vue et devint dévot envers Saint Malo, lui offrant des présents et des aumônes.
Cependant, le diable incita certaines personnes perdues à calomnier le saint évêque, créant des accusations contre lui et incitant le peuple à se retourner contre lui. Pour apaiser la situation, Saint Malo décida de s’absenter temporairement. Il embarqua à Aleth, confiant son troupeau au souverain Pasteur (Dieu), et débarqua à La Rochelle, en Aunis. Il se rendit ensuite à Xaintes pour rencontrer saint Leonce, évêque de cette ville, qui souhaitait le garder près de lui. Cependant, Saint Malo désirait mener une vie solitaire et préparer sa mort en raison de son grand âge. Saint Leonce respecta sa demande et lui attribua l’église du village de Brie, où il vécut en ermite avec une sainteté exemplaire, accomplissant des miracles tels que guérir la morsure d’un aspic, rendre la vue à une femme aveugle et ressusciter un serviteur de Saint Leonce.
Pendant ce temps, le diocèse d’Aleth souffrait en l’absence de Saint Malo, confronté à une épidémie de peste et à la famine causée par une sécheresse dévastatrice. Reconnaissant que cette calamité était une juste punition pour leur ingratitude envers le saint prélat, les habitants d’Aleth décidèrent de le supplier de revenir. Des députés furent envoyés pour le rencontrer, et pendant qu’il priait, un ange le conseilla de retourner avec eux pour consoler son peuple. Saint Malo accepta la demande et retourna à Aleth avec les députés. Dès son arrivée en Bretagne, l’air se purifia, la peste cessa et les ports furent remplis de navires chargés de blé et d’autres vivres, mettant fin à la famine.
Il pardonne et donne sa bénédiction au peuple d'Aleth.
Le saint prélat, de retour dans son diocèse, fut accueilli avec une grande joie, en particulier à la ville d’Aleth, où le clergé et le peuple vinrent le rencontrer en grand nombre. Ils lui demandèrent pardon pour leur conduite passée et le conduisirent dans l’église où il leur pardonna avec générosité et leur donna sa bénédiction. Il recommença alors à veiller sur son troupeau, visitant personnellement toutes les paroisses de son diocèse et prêchant sans relâche à son peuple, agissant toujours en tant que véritable pasteur.
Cependant, se souvenant de la révélation céleste lui demandant de retourner à Saintes auprès de saint Leonce, il prit congé de ses diocésains et s’embarqua d’Aleth pour retourner en Saintonge. Là, il fut accueilli chaleureusement par son ami saint Leonce, qui lui offrit l’église et le village d’Archambray pour qu’il puisse se retirer dans la solitude avec quelques jeunes clercs vertueux qu’il avait amenés de Bretagne. Ils vécurent en communauté, consacrant leurs jours et leurs nuits à la prière et à la contemplation, se préparant ainsi à quitter ce monde pour la vie éternelle.
Peu de temps après, étant brisé par la vieillesse, les travaux, les fatigues et les austérités, Saint Malo fut frappé par une violente fièvre. Au bout de trois jours, sentant que sa fin approchait, il supplia saint Leonce de le rendre visite, ce qu’il fit. Saint Leonce lui administra les saints sacrements et Saint Malo rendit son âme bienheureuse à son Créateur le 15 novembre de l’année 612, à l’âge de 110 ans.
Un récit alternatif de la translation des reliques
Le clergé et le peuple d’Aleth, informés du décès de leur saint pasteur, envoyèrent deux députés vers Saint Leonce pour le supplier de leur remettre le corps du saint afin de l’enterrer dans leur cathédrale. Cependant, le peuple de Saintes refusa de se séparer de ce trésor précieux, et le corps de Saint Malo resta en leur possession jusqu’au règne du premier duc de Bretagne, Alain (surnommé Re bras).
À cette époque, quatre frères de noble lignée dans l’évêché d’Aleth se disputaient leur part d’héritage. Les trois cadets, jaloux de l’aîné, complotèrent de le tuer pour partager également l’héritage. Cependant, l’aîné fut averti de leur intention et décida de quitter la Bretagne pour se mettre en sécurité à l’étranger. Il se rendit à Saintes où il se lia d’amitié avec le sacristain de l’église où reposaient les reliques de Saint Malo. Ce sacristain lui faisait confiance au point de lui confier les clés du trésor et des reliques lorsqu’il s’absentait.
Après quelques années passées chez le sacristain, le gentilhomme breton demanda la permission de rendre visite à sa famille en Bretagne. Toutefois, il profita de cette occasion pour réaliser son plan : après un jeûne de trois jours, suivi d’une confession et d’une communion, il ouvrit la châsse contenant les reliques de Saint Malo, les enveloppa soigneusement dans un linceul blanc, referma la châsse et remit les clés dans l’armoire de la sacristie. Il quitta Xaintes et se rendit en Bretagne à cheval, sans s’arrêter.
À Rennes, il envoya un messager à l’évêque et au chapitre d’Aleth pour les informer de son exploit. Ils préparèrent une solennelle entrée pour les reliques de leur saint prélat, avec des réjouissances à chaque étape de leur passage par les villes et les paroisses. Les reliques furent reçues avec joie à Becherel, puis à Dinan, et enfin à Châteauneuf-sur-Rance, où l’évêque d’Aleth et le clergé les attendaient et les reçurent des mains du gentilhomme breton. Les reliques furent transportées dans la cathédrale Saint-Pierre d’Aleth et une partie d’entre elles fut placée dans l’abbaye de Saint-Vincent sur l’île d’Aaron.
En l’an 975, sous le règne du roi Lothaire, les reliques furent transférées à Paris, dans la chapelle de Saint-Michel du palais. Par la suite, elles furent déplacées à l’abbaye de Saint-Magloire, puis à l’église de Saint-Jacques-du-Haut-Pas. La mémoire de Saint Malo était si chère à ses diocésains que lorsque le siège épiscopal d’Aleth fut transféré à l’île d’Aaron par Saint Jean de la Grille, toute la région et la nouvelle ville qui fut construite furent appelées et sont encore aujourd’hui Saint-Malo, pour les distinguer de Saint-Malo de Baignon, belle seigneurie appartenant aux seigneurs évêques de Saint-Malo.
Quant au gentilhomme qui avait enrichi son pays de ce précieux joyau, il fut reconnu et le différend avec ses frères fut apaisé. Il put alors jouir paisiblement de son bien.