Saint Conwoïon

par Arnaud
Saint Conwoïon
Dans l'iconographie catholique, les abbés fondateurs sont souvent représentés avec
une crosse (ou baton pastoral) et une église miniature. Je n'ai donc pas dérogé à la tradition.
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Saint Convoyon ou Conwoïon est né vers 790 à Comblessac. Il vit à une époque charnière de l’histoire de Bretagne et joue un rôle de premier plan tant en matière spirituelle que politique. Fondateur de l’abbaye de Redon, il contribue fortement à implanter la règle de Saint Benoît en Bretagne. Conseiller des rois Nominoë, Érispoë et Salomon, son aura de saint homme lui donne une influence primordiale dans la construction de la Bretagne face à l’esprit de domination de l’empire franc.

Saint Convoyon a suscité une dévotion auprès du peuple breton qui, au fil des siècles, est resté fidèle à sa mémoire. Il faudra mille ans pour que son culte soit ratifié par Rome. En 1866, Pie IX l’a officiellement autorisé.

La lecture de la vie de Saint Convoyon selon Albert Le Grand (Frère Dominicain né à Morlaix en 1599 et mort à Rennes en 1640 ou 44), je l’espère, vous fera aimer ce Saint Breton. Peut-être même que l’envie vous viendra de le prier afin qu’il continue d’intercéder pour la Bretagne.

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La vie de Saint Conwoïon

Selon l'hagiographe Albert Le Grand dans "La vie des saints de la Bretagne-Armorique".
Traduit en français contemporain et datation corrigée par Arnaud Chapin

Saint Conwoïon, premier Abbé du dévot Monastère de Saint-Sauveur de Redon, était issu de parents nobles et illustres. Son père s’appelait Conon, Sénateur, homme de grande autorité et crédit dans la région, descendant de la lignée des parents de Saint Melaine, Évêque de Rennes. Il est né dans la paroisse de Comblessac près de la Ville de Guer, Diocèse d’Aleth, actuellement Saint-Malo. Après avoir passé les années de son enfance là-bas, il a été envoyé à Vannes, alors l’une des villes les plus renommées et prospères de Bretagne. Cela était dû au fait que les Lieutenants de l’Empereur Louis le Débonnaire résidaient là avec leur cour. À Vannes, il a étudié les Humanités, la Philosophie et la Théologie, menant une vie modeste et exemplaire. Il évitait les occasions de pécher contre Dieu, fuyait les compagnies vicieuses, se consacrait à la prière, à la lecture des saints Livres et à l’apprentissage du Chant pour servir l’Église.

Saint Convoyon, un fervent prédicateur

Regnier (ou Regnauld), alors Évêque de Vannes, voyant les belles qualités avec lesquelles ce jeune homme était doué, se prit d’affection pour lui. Reconnaissant qu’il avait une vocation pour le service de l’Église, il lui conféra les Ordres Mineurs et le sous-diaconat. Le jeune homme exerça ces fonctions pendant un certain temps. Lorsqu’il atteignit l’âge requis, il fut ordonné diacre par le même prélat. Celui-ci, reconnaissant son zèle et son érudition, lui confia l’Office de la Prédication, en faisant de lui le théologal de Vannes.

Il commença alors à prêcher dans la ville et dans les champs avec une ferveur exceptionnelle. Il réprimandait le vice et encourageait la vertu avec un grand succès. Une fois devenu prêtre, il noua une sainte amitié avec cinq vertueux clercs de la cathédrale de Vannes. Trois d’entre eux, à savoir Condelok, Leomel et Winkalon, étaient particulièrement appréciés et chéris par Nominoë, comte de Vannes, ainsi que par les barons et seigneurs de la région. Ces personnages saints, conscients des dangers présents dans les villes et, en contraste, de la paix et de la tranquillité d’une vie retirée et solitaire, décidèrent de quitter la ville et le monde. Ils souhaitaient se retirer dans un désert pour servir Dieu dans un état de plus grande perfection. Ils posèrent toutefois une condition : que Convoïon accepte de prendre en charge leur conduite et leur direction.

Son humilité le poussa constamment à refuser cette position de supériorité, mais les supplications incessantes de ses cinq compagnons le pressèrent d’accepter, voyant que la volonté de Dieu semblait le diriger ainsi. Ces cinq confrères renoncèrent à leurs prébendes (revenus fixes qui étaient accordés aux ecclésiastiques) et bénéfices. Ayant obtenu le consentement et la bénédiction de leur évêque, qui était extrêmement peiné de perdre ces saints hommes, la crème de ses ecclésiastiques, mais qui n’osait les détourner de leur sainte résolution de peur d’aller à l’encontre de la vocation divine, ils quittèrent Vannes.

Ils se rendirent sur les rives de la de Vilaine, dans une forêt dense. Trouvant cet endroit approprié à leur dessein de vie retirée et éloignée de toute interaction humaine, ils décidèrent de s’y établir. C’est pourquoi ils allèrent rencontrer le seigneur de cette forêt, nommé Ratwilus. Celui-ci leur octroya une portion de la forêt appelée Redon, ainsi que la permission de collecter les matériaux dont ils auraient besoin dans la forêt pour la construction et l’aménagement de leur monastère.

Nominoë approuve et soutient Saint Convoyon.

Ayant obtenu la permission du seigneur des terres, Conwoïon envoya des émissaires à Vannes pour obtenir le consentement et la confirmation de Nominoë. Ce dernier, de tout cœur, approuva tout selon le désir du saint et lui octroya même d’autres revenus. Alors, ils commencèrent la construction en l’an 826 de notre ère. Ils firent venir des ouvriers pour abattre du bois dans la forêt. Cependant, le diable, qui s’oppose en permanence aux serviteurs de Dieu dans leurs intentions saintes et pieuses, anticipant les événements à venir, craignant que cet endroit ne devienne un foyer de saints religieux qui lui feraient une guerre constante, incita quelques seigneurs des terres voisines à s’opposer à l’établissement de ces bons pères et à la construction de ce nouveau monastère. Ils prétendaient que cet endroit où ils bâtissaient leur appartenait. Face à cette opposition, Conwoïon fut contraint de solliciter l’aide de son bienfaiteur, Ratwilus, ainsi que du  Nominoë. Il envoya le Révérend Père Lohemellus à Vannes pour discuter avec Nominoë.

Ces deux seigneurs maintinrent les bons pères dans la possession et la paisible jouissance des terres de Redon. Ils agirent avec détermination envers les seigneurs mécontents, les persuadant de cesser de perturber les religieux et de les laisser en paix. Les religieux continuèrent donc leur travail. Avec l’aide des paysans des alentours, ils édifièrent une petite chapelle qu’ils dédièrent à Dieu, sous l’invocation et le patronage de Saint Étienne, premier martyr. Tout près, ils construisirent de petites cellules carrées pour leurs logements, un petit cloître et quelques autres locaux nécessaires. Une fois tout en place, les religieux s’installèrent et commencèrent à mener une vie si sainte et admirable que la nouvelle se répandit rapidement, non seulement en Bretagne, mais aussi jusqu’au Poitou.

C’est de là qu’un pauvre homme aveugle vint à Redon pour trouver Conwoïon. Il prétendit avoir été averti par un ange de le rencontrer afin de recouvrer la vue. Conwoïon célébra la messe en son intention, puis, après avoir fait le signe de la croix sur ses yeux, lui rendit la vue. Ce miracle, devenu manifeste, attira l’attention. Plusieurs personnes de bonnes intentions de la région vinrent trouver Conwoïon et lui demandèrent humblement à rejoindre la vie religieuse. Ils remirent leurs biens et revenus au monastère. Parmi eux, le premier fut un jeune noble issu d’une grande famille, nommé Winkalon, qui donna tout son patrimoine.

Saint Convoyon bâtit un important monastère à Redon.

Le Prince Nominoë, qui était alors hautement apprécié et estimé par l’Empereur Louis “le Pieux” (ou “le Débonnaire”), obtint de sa Majesté quelques paroisses aux environs de Redon. Il les donna en perpétuité à Saint Conwoïon. Avec l’augmentation considérable des revenus de ce lieu sacré grâce aux dons et aux aumônes de ces seigneurs, ils exprimèrent le désir de construire un monastère plus grand et spacieux. C’est ainsi qu’ils fondèrent la célèbre Église de Saint-Sauveur de Redon. Ils choisirent un emplacement spécifique pour l’autel principal, un endroit qui leur avait été révélé, ainsi que la forme, la symétrie et la disposition de l’église.

Après avoir achevé l’église, ils édifièrent un monastère substantiel et spacieux pour accueillir un grand nombre de religieux. De toutes parts, des personnes se rassemblèrent dans cette sainte demeure pour servir Dieu en compagnie de ces saints personnages et sous la direction de Saint Conwoïon. Leur bienfaiteur, Ratwilus, devenu veuf, décida de se retirer au Monastère de Saint-Sauveur. Il aspirait à y passer le reste de ses jours au service de Dieu. Sur cette noble résolution, il tomba malade et, en peu de jours, fut porté à l’extrême. Saint Conwoïon, ressentant profondément la perte de cet homme de bien, emmena ses religieux dans le chœur de l’église. Ensemble, ils prièrent pour la guérison du malade. À ce moment même, le malade se leva en bonne santé, remerciant Dieu et son serviteur, Saint Conwoïon. Peu de temps après, Ratwilus revêtit l’habit de l’ordre. Il vécut encore quelque temps et s’éteignit dans la réputation de sainteté.

En l’an de grâce 826, l’Empereur Louis le Débonnaire ayant été dégradé et enfermé dans un monastère, les Bretons, qui avaient déjà offert la couronne royale de Bretagne à Nominoë dès l’an 826, le pressèrent à nouveau d’accepter le royaume pour les libérer de la servitude envers l’Empire. Nominoë accepta cette proposition. Après avoir été proclamé roi, il entreprit comme premier acte de chasser de Bretagne tous les agents et officiers impériaux, annulant également toutes leurs lois et ordonnances, rétablissant ainsi la pleine liberté dans le pays. Cependant, Charles le Chauve, à qui, suite à un accord avec ses frères Lothaire et Louis, avait échu la partie de la France entre la mer et la Meuse, vint attaquer le roi Nominoë en 844 pour récupérer ce qu’il prétendait lui avoir été pris en Bretagne.

Le roi Nominoë le vainquit entre Le Mans et Chartres, puis poursuivit sa victoire à travers le Maine et la Basse Normandie, rapportant un butin impressionnant qu’il offrit au monastère de Redon. Il triompha une nouvelle fois du roi Charles le Chauve, en 845, à la bataille de Ballon. De retour en Bretagne, il se rendit à Saint-Sauveur pour remercier Dieu de ses victoires. Il fit don à l’abbaye de Redon de toutes les dépouilles de ses ennemis et du butin de ses conquêtes.

A Bains-sur-Oust, au lieu-dit la bataille, vous découvrez ce mémorial de l’éclatante victoire, en 845, de Nominoë sur Charles le chauve. Au confluent marécageux de l’Oust et de l’Aff, les bretons, connaissant le terrain, infligent une correction sévère et sanglante aux troupes franques. Cette bataille constitue un tournant décisif dans l’histoire de la Bretagne. C’est ainsi que le roi Nominoë ouvre un temps où la Bretagne est unifiée et la volonté de domination des francs rendue impuissante.

Pendant l’absence du roi Nominoë, qui avait mené la guerre en dehors de son royaume, un saint personnage nommé Gerfredus ou Geffroy, moine de l’abbaye de Saint-Maur sur la Loire, vivant une vie solitaire dans la forêt de la Noë, entre les villes de Josselin et La Chèze (alors appelée forêt Wennok), reçut une divine révélation l’invitant à se rendre à Redon pour rencontrer les bons religieux qui l’accueillirent chaleureusement. Il resta deux ans avec eux pour les instruire et les initier à la règle du glorieux patriarche Saint Benoît. Les religieux adoptèrent unanimement cette règle et c’est à ce moment-là que Saint Conwoïon fut établi comme le premier abbé du monastère de Saint-Sauveur de Redon. Avant de recevoir la règle de Saint Benoît, bien qu’il ait toujours été le supérieur, il ne s’était cependant pas appelé abbé.

Malgré la vie sainte menée par Saint Conwoïon et ses religieux, plusieurs personnes ne pouvaient les supporter et les tourmentaient grandement. Ils s’efforçaient de les expulser de Redon. Parmi eux se trouvait un riche et puissant seigneur nommé Illok. Il avait juré de les chasser de cet endroit ou de les y détruire, sans épargner personne. Cependant, Dieu détourna ces intentions mauvaises et pernicieuses par un moyen que je vais vous expliquer.

Saint Convoyon et ses religieux accomplissent des miracles.

Un villageois, vivant près du domaine d’Illok, se rendit un matin à son champ pour labourer. Soudainement, il devint muet et paralysé dans tous ses membres. Ramené chez lui, le seigneur Illok le vit et estima que son état était incurable. Le villageois, par signes, montra son désir d’être emmené à Saint-Sauveur. Il fut ainsi placé devant le grand autel de l’église. Pris de compassion, Saint Conwoïon le recommanda aux prières de ses religieux et pria lui-même pour lui. Il décida de le garder au monastère pendant la nuit. Pendant que les moines chantaient les matines et le psaume “Deus, Deus meus, ad te de luce vigilo,” le villageois se leva soudainement en parfaite santé, remerciant Dieu et Saint Conwoïon.

Illok, ayant été témoin de ce miracle, changea son aversion envers les religieux et devint par la suite très attaché à eux. Un jeune homme du nom de Wrbicus entra un jour dans le jardin du monastère et y repéra quatre ruches d’abeilles. Trouvant le moment opportun, il en déroba une qu’il cacha sous son bras. Cependant, une fois de retour chez lui, il ne parvint pas à retirer la ruche de dessous son bras. Confus et repentant, il revint au monastère pour avouer sa faute. Après avoir reçu la bénédiction et l’absolution de Saint Conwoïon, la ruche se détacha de son bras et fut remise à sa place.

Puisque nous sommes entrés dans la narration des miracles que Dieu a accomplis par les mérites de ce saint abbé et de ses religieux, j’en rapporterai encore quelques autres. Alors que l’on travaillait à la construction du monastère, un noble du nom de Ronwallon offrit à Saint Conwoïon le bois de sa propriété pour aider à la construction. Le saint abbé envoya le Père Lohomellus pour organiser le chargement et le transport du bois. Alors que les charretiers descendaient la pente de Beaumont, au pied duquel le monastère est situé, l’un d’entre eux, nommé Joncunius, tomba devant la charrette. Celle-ci passa par-dessus lui, laissant le pauvre homme brisé et meurtri, ses bras et ses jambes broyés, dans un état si désespéré qu’on ne s’attendait qu’à sa mort. Le Père Lohomellus, peiné par cet accident, pria intérieurement pendant qu’on retirait le corps de sous les roues de la charrette. À sa grande surprise, le pauvre homme se leva indemne, sous le regard ébahi de ses compagnons. Il poursuivit son transport jusqu’au monastère, où il remercia Dieu et le Père Lohomellus, dont la prière avait obtenu sa guérison.

Il arriva un jour que la fenaison était en cours dans le pré d’Estriel, appartenant au monastère de Redon. Le Père qui était en charge du service divin fut pris par la sonnerie de la cloche pour se rendre à la grande messe. Se trouvant au bord de l’eau, il ne trouva pas de bateau pour traverser la rivière de la Vilaine (qui longe les murs du monastère). Alors, il marcha sur l’eau et atteignit l’autre rive à temps pour célébrer la grande messe. Les témoins de cet événement furent stupéfaits de voir l’eau ferme sous ses pieds.

Saint Convoyon, ambassadeur de Nominoë auprès du pape Léon IV.

Il fit bien paraître le zèle qu’il avait envers Dieu et l’Église dans sa mission, commandée par le roi Nominoë, contre certains prélats de Bretagne accusés de simonie. Saint Conwoïon poursuivit ces prélats en Bretagne. Après de nombreuses appels et procédures prolongées, il parvint à éradiquer le scandale de l’Église. Cela satisfit les personnes de bien et mécontenta les vicieux, envers lesquels il se montrait aussi sévère censeur que persécuteur zélé.

En l’an de grâce 845, le roi Nominoë envoya une ambassade honorable auprès du Pape Léon IV. Il en fit chef Saint Conwoïon, suivi de quarante nobles et gentilshommes qui désiraient honorer cette ambassade et visiter les lieux saints de Rome. Ils arrivèrent rapidement et, deux jours après leur arrivée, obtinrent une audience auprès du Pape. Ils remirent le baiser de la pantoufle du Pape au nom de leur maître et Saint Conwoïon prononça un élégant discours en latin, exposant les objectifs de leur ambassade. Les objectifs étaient les suivants :

  1. Presser l’obéissance et la soumission du Très Haut, Très Noble et Victorieux Prince, le Roi de Bretagne, envers le Saint-Siège. Ils présentaient également une riche tiare ou couronne papale en or fin, magnifiquement ornée et incrustée de pierres précieuses d’une valeur inestimable.
  2. Demander au Pape d’honorer le roi et tout son royaume en leur fournissant des reliques de saints martyrs.
  3. Supplier le Pape de faire justice aux évêques simoniaques, et de n’agir que dans le but de supprimer le scandale de l’Église dans son royaume.

Après le discours de Saint Conwoïon, ils présentèrent les lettres et les présents du roi au Pape, qui les reçut avec grand plaisir. Le Pape satisfait à toutes les demandes de l’ambassade et accorda au roi ses requêtes. Il offrit également une précieuse relique à Saint Conwoïon, qui était la tête de saint Marcellin, pape et martyr. Après avoir reçu la bénédiction du Pape, Saint Conwoïon et son escorte retournèrent en Bretagne. De retour, les ambassadeurs rendirent compte de leur mission et le roi convoqua les États à Rhedon. Il réunit tous les évêques de son royaume et organisa une procession solennelle pour porter la relique envoyée par le Pape au monastère de Saint-Sauveur, où elle fut placée dans une châsse en or.

chapelle saint marcellin

La chapelle Saint Marcellin est construite à l’intersection des voies romaines qui relient respectivement Rieux à Corseul et Rieux à Condate Rennes. C’est le lieu de la rencontre de Nominoë et de Conwoïon qui ramenait de Rome à l’abbaye Saint Sauveur de Redon la sainte relique de Saint Marcellin (sa tête).

Le roi Érispoë favorise Saint Convoyon.

Saint Conwoïon, après avoir accompli cette affaire, demanda la permission au roi de se retirer, et celui-ci la lui accorda. Ainsi, il retourna à son monastère, où il fut chaleureusement accueilli par ses religieux. Malheureusement, durant son absence, le bon Père Lohomellus était décédé. Ce dernier avait été muet et paralysé pendant cinq ans avant sa mort, et il était tenu en haute estime de sainteté. Son corps émettait une douce et agréable odeur après sa mort.

Le roi Nominöé, non content d’avoir déjà fait d’importants dons et revenus au monastère de Saint-Sauveur, fonda également le prestigieux prieuré royal de Lehon sur Rance, dans les faubourgs de Dinan, et en fit don au monastère de Redon. Il fit rapatrier le corps de saint Magloire II, archevêque de Dol, depuis l’île de Jarzay où il avait été conservé depuis son décès. Une fois le corps richement enchâssé, il fut placé dans ledit prieuré de Lehon. Il fit également transférer le corps de saint Wennal de Land-Tevennec et lui offrit une riche châsse en argent doré.

Après le décès du roi Nominoë, son fils Érispoë lui succéda. Celui-ci, tout comme son père défunt, apprécia grandement Saint Conwoïon et lui offrit la moitié de la bourgade de Brain. La même année, des Normands et Norvégiens, sous la conduite du prince Sideric, cousin du prince surnommé “Côte-de-Fer”, fils de Lothrichk, roi du Danemark, s’apprêtèrent à débarquer en Bretagne. Le roi  Érispoë marcha à leur rencontre en armes et présenta à Sideric le traité conclu entre son père feu le roi Nominoë et le prince Bier. Après avoir vu le traité, Sideric se retira en haute mer.

Cependant, étant habituée au pillage, une partie de la flotte normande entra dans la Loire et causa des dégâts dans la région de Nantes. Le roi se plaignit à Sideric, qui, mécontent du non-respect de la promesse faite par ses hommes, entra dans la Loire avec 150 navires. Il invita le roi à le rejoindre, et ensemble ils encerclèrent les pillards. La plupart d’entre eux furent capturés et leurs biens furent pillés.

Par la prière de Saint Conwoïon, les pillards vikings sont décimés.

Ceux qui ont réussi à échapper à ce carnage ont réapprovisionné leurs navires et sont entrés dans l’embouchure de la Vilaine, se dirigeant vers Redon avec la ferme intention de saccager la ville et de piller le monastère de Saint-Sauveur. Dans cette alarme soudaine et effrayante, tous les moines, en proie à la peur, ne pensaient qu’à quitter le monastère et à se réfugier dans un endroit fortifié pour échapper à la fureur de ces barbares. Cependant, Saint Conwoïon les retint et, après avoir rassemblé la communauté, il les exhorta à faire face à la mort avec constance, si cela était nécessaire. Puis, les menant à l’église, il passa la nuit avec eux en prières et en supplications.

Au lever du jour, les barbares ont débarqué de leurs chaloupes et bateaux pour atteindre la terre ferme, ce qu’ils ont accompli en moins d’une heure. Ils se sont alors rangés en formation et se sont dirigés vers la ville, laissant quelques soldats pour garder leurs navires. Cependant, Saint Conwoïon et ses religieux ont redoublé leurs prières. Soudainement, le ciel s’est retourné contre eux. Les nuages se sont accumulés, une grêle mêlée de foudre et d’éclairs s’est abattue sur eux, les martelant. Certains ont été frappés par la foudre, d’autres assommés par la grêle, tandis que d’autres, essayant de se sauver vers leurs navires, se sont jetés à l’eau et ont été engloutis par la rivière.

La rivière, agitée de vagues tumultueuses, s’est retournée contre les navires des pillards. Elle a rompu leurs câbles et leurs amarres, échouant certains sur la côte et brisant d’autres sur les récifs proches. Les autres navires, pris au jeu des vents et de la mer, violemment battus par les vagues, ont commencé à prendre l’eau de toutes parts. Finalement, ils ont sombré et ont noyé tous ceux qui se trouvaient à bord.

Saint Conwoïon appelle les vikings à se convertir.

Les chefs des barbares, voyant qu’ils étaient combattus par des forces qu’ils ne pouvaient résister, ont compris que le Dieu des chrétiens, invoqué et servi avec dévotion dans ce monastère qu’ils avaient l’intention de piller, prenait la défense de ses serviteurs. Pour apaiser ce Dieu, ils ont fait le vœu de faire de riches offrandes au même monastère qu’ils avaient projeté de saccager. Une fois ce vœu fait, la tempête s’est calmée. Ils ont alors établi leur campement au même endroit et ont envoyé une délégation pour présenter leur vœu.

Saint Conwoïon, qui était en train de prier au chœur avec tous ses moines, en a eu la révélation. Il est sorti de l’église pour les accueillir et leur a interdit d’entrer dans l’enceinte du monastère ou de nuire à quiconque. Il a reçu leurs vœux et les a exhortés à abandonner leur idolâtrie et à recevoir le Saint Baptême. Ensuite, il leur a fait apporter quelques rafraîchissements et, après avoir pris une collation, il les a congédiés en leur interdisant de ravager davantage cette côte. Ils ont promis d’obéir à sa demande et sont retournés vers leurs navires, à l’exception de seize d’entre eux. Ces seize individus sont entrés dans la cour du monastère (malgré l’interdiction du saint abbé) et sont devenus fous et enragés.

Saint Convoyon prophétise la mort tragique du roi Salomon.

En l’an 857, le roi Hérispoë a été tué au pied de l’autel d’une église (où il s’était réfugié en quête de sécurité), par les soldats du comte Salomon, son cousin germain, qui se fit couronner roi. Le saint abbé Conwoïon est allé le rencontrer et l’a vivement réprimandé pour ce meurtre. D’un esprit prophétique, il lui a prédit que Dieu le punirait pour cette cruauté, résultat de son ambition, en le faisant massacrer par ses cousins germains. Il a également prédit que la couronne ne passerait pas à ses enfants, et ces prédictions se sont réalisées exactement.

Dieu a touché le cœur de ce prince, qui s’est repenti de son péché et en a fait pénitence. Il a conservé saint Conwoïon comme son directeur spirituel. Les Normands et les Danois ont continué leurs incursions et leurs attaques dans la rivière de Vilaine, notamment sur le territoire de Redon, ce qui a causé des dommages et des troubles considérables aux religieux de Saint-Sauveur.

Le roi Salomon, qui a confirmé les dons de revenus et de terres que ses prédécesseurs avaient accordés aux monastères de Lehon et de Redon, a fondé le Prieuré de Saint Sauveur de Ploëlan dans son domaine de Brécilian en 869. Il a donné le terrain à l’abbaye de Rhedon et y a été enterré, aux côtés de la reine Guihenec, sa femme. Le roi Salomon a également souhaité que le vénérable saint abbé Conwoïon, déjà âgé et affaibli, s’y retire, ce qu’il a fait. Il a choisi Rithrandus comme successeur à l’abbaye de Redon.

Le roi Salomon a particulièrement apprécié les religieux de ce prieuré, avec lesquels il interagissait régulièrement. Il leur a offert le corps de saint Maxence, richement enchâssé, ainsi que le bras de saint Léon, le pape, que le pape Adrien II lui avait envoyé.

Enfin, saint Conwoïon, comblé de vertus et de mérites, tomba malade dans ce lieu. Alors que ses forces diminuaient jour après jour, il reçut les sacrements et exhorta ses frères à l’amour de Dieu et à persévérer dans leurs saintes résolutions. Le cinquième jour de janvier de l’an 872, il rendit son dernier souffle. Le roi fit enterrer saint Conwoïon de manière solennelle près du tombeau qu’il avait préparé pour lui, et plusieurs miracles ont été attribués à sa sainteté.

Malheureusement, cette église fut plus tard détruite par les Normands, et les reliques des saints Léon, Maxence et Salomon furent dispersées en différents endroits. Celles de saint Conwoïon furent ramenées dans son monastère de Saint Sauveur de Redon, où elles sont soigneusement conservées et dévotement vénérées. Ce monastère de Saint-Sauveur de Redon est l’un des pèlerinages les plus importants de Bretagne, et il a été profondément apprécié par les anciens princes bretons, rois et ducs. Le roi fondateur, Nominoë, souhaita y être enterré.

Le duc Allain IV, surnommé Fergeant, tomba gravement malade et désespéra des médecins. Il se fit porter à Saint Sauveur de Redon et y retrouva la santé par la grâce de Dieu. Il y vécut une vie tranquille et retirée après avoir cédé le pouvoir à son fils le prince Conan. Son frère, Bénédicte, évêque de Nantes, homme jadis mondain et vaniteux, y commença sa conversion et, après avoir renoncé à tous ses bénéfices, devint religieux à Kemperlé.

Les religieux de ce monastère furent les directeurs spirituels de la pieuse dame Ermengarde d’Anjou, qui devint plus tard duchesse de Bretagne et sœur Tierceline de l’Ordre de saint Bernard à Redon. En 1462, le roi Louis XI de France fit un pèlerinage à Saint Sauveur de Redon, y offrant de généreux présents. La reine Anne et le roi François Ier effectuèrent également un pèlerinage en ce lieu avec grande dévotion.

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